vendredi 21 mai 2010

hara-kiri

Offtop. Aujourd'hui DS va se confesser...en public. Aïe-aïe!

Si j'ai décidé de parler publiquement de mes histoires, une seule histoire en réalité, c'est que je pense que le lecteur assidu de ce blog ainsi que les nombreux compatriotes ont le droit ou simplement méritent de savoir ce qui se tramait ces derniers mois et se trame encore dans la tête et dans l'âme kabyle de l'auteur de ce blog même si mes états d'âme ou dans une moindre mesure mon état d'esprit n'influencent quasiment jamais le contenu de ce blog. Et puis autant le dire, si ce projet avait abouti ma contribution à la cause kabyle aurait été potentiellement plus substantielle car ce n'est certainement pas de Russie que je pourrais faire qlq chose de concret pour la cause de mon peuple et de ma patrie kabyle.

Lettre à une amie,
Lettre à un ami,

Je suis parti pour rester, les pieds en Russie, la tête ailleurs. Aujourd'hui je suis amer car le constat est sans équivoques: sauf miracle, mon projet capote, adieu l'Amérique. D'ici qlqs 3-4 semaines le couperet tombera et s'en sera fini, hélas! Commençons ou recommençons par le commencement...

Go West
Qui n'a pas rêvé d'Amérique, dans le temps je veux dire?
Il y a longtemps en Kabylie adolescent avide de liberté j'ai tant étudié ce pays, son histoire et sa géographie qu'il me semblait pas loin. C'était le rêve d'adolescent. Et pourtant au lieu d'être emporté par les courants du Go West j'ai quelques années plus tard attéri à l'autre bout derrière le rideau de fer en plein Stay East ou "URSS ou l'empire du mal" (dixit Reagan). Comment j'en suis arrivé là? ¨J'en sais rien, franchement. "Quel gâchis!", tu dis, vous dites tous. Oui, quel gâchis...sauf que cette aventure prévue pour 6 ans (c'est aller sur la lune) et qui dure maintenant plus de 24 ans (c'est aller sur la lune pour ne plus pouvoir la quitter!) mérite d'être racontée, un jour peut-être. Ce n'est pas chaque jour que l'on assiste à l'éffondrement d'un empire, ce n'est pas à la portée de chacun d'en sortir indemne dans de telles circonstances. Un jour peut-être j'en parlerai, qui sait!
A mon âge je ne rêve jamais, je n'ai que des projets. Et d'ailleurs la Russie, ou plutôt la vie d'un étranger en Russie, a toutes les qualités nécessaires pour arriver chaque fois à briser mes rêves et à saper mes projets. Parfois je me dis que la Russie est un pays qui m'a beaucoup donné mais qui en contre-partie m'a tout pris, ma santé, mes rêves. Mais ce n'est pas la Russie, ce sont simplement les circonstances de la vie d'un étranger en Russie, qui ne sera jamais ma patrie d'adoption mais de toute façon fait partie de mon histoire et donc de moi-même, un peu comme ma patrie Kabyle. Donc c'est "les pieds en Russie, la tête ailleurs", ce qui m'a poussé, moi l'apatride qui vit cet exil comme une humiliation, à envisager une émigration ailleurs (une nouvelle humiliation), cette fois je ne suis pas seul (à mon âge c'est normal!) et la seule destination envisageable c'est l'Amérique du Nord, les Etats-Unis plus précisément. Et comme tu sais une aubaine s'est offerte justement pour enfin émigrer aux USA, depuis un an que je m'y prépare, aujourd'hui je crois connaître la réalité américaine mieux que quiconque, je pourrais même déjà faire office d'agent immobilier peu importe oû, à Philadelphia ou à San Francisco! Et pourtant mon projet qui est aussi le rêve de mon fils, et le cauchemar de sa maman russe, a pris de l'eau dès le départ...

D.S
Pour assurer l'arrivée à bon port j'ai tapé, non pas à toutes, mais à beaucoup de portes. En vain. C'est le silence complet. Comme quoi mon nom ne dit plus rien à personne, mon nom est personne. Celà me permettra au moins de tirer un trait sur le passé. Triste solitude, I'm far from home, I'm here all alone. Et qu'en est-il de mon sobriquet DS, peut-être lui m'ouvrira des portes? Bein, DS ce n'est pas Dda Stayevski en l'honneur du maître russe mais aujourd'hui c'est Dire Straits qui, tiens-toi bien signifie "situation difficile voir desespérée"! Difficile voir impossible de s'arrimer au pays d'Elvis pour le moment, surtout en ces temps de crise. Et pourtant personne ne m'ôtera le plaisir d'écouter D.S. Elvis, c'est une merveille.

Goodbye America
Si à l'arrivée mon nom ne dit plus rien, au départ c'est encore pire. Comme dit le dicton russe en jargon des geôliers russes-soviétiques: ici tu n'es rien et ton nom est personne! Être ôtage des circonstances c'est ramer à contre-courrant, c'est avoir la volonté et les moyens mais pas l'aubaine de faire aboutir son projet et quelques mois plus tard le projet capotera pour des raisons inverses, quand l'aubaine se présente les moyens et la volonté des proches manquent à l'appel. C'est être coupé de ses sources et de ses ressources. Difficile de gagner dans de telles circonstances. Tu imagines mon amertume...Et pourtant rien et personne, même pas l'amertume, ne m'empêchera d'écouter avec un immense plaisir Slava Boutoussov et son tube de 1988 qui me rappelle ma folle jeunesse en Russie: goodbye America. C'est une chanson évocatrice qui commence par goodbye america oû je n'ai jamais été, adieu pour toujours et qui finit par goodbye america oû je ne mettrai jamais les pieds, adieu à jamais . Adieu le Grand Canyon en somme...

Hara-kiri
Ce projet qui tombe à l'eau est synonyme du hara-kiri pour moi, je te l'ai dit, je vous l'ai dit dès le départ. Même si la vie ne s'arrête pas là, bien entendu, je suis habitué à encaisser après tant d'années ici mon épiderme ressemble à celui d'un éléphant! Quel gâchis tu disais, vous disiez tous. Eh bien en réalité moi je suppose que le hara-kiri a eu lieu le jour oû j'ai mis fin à mes rêves, il y a longtemps en Kabylie. Le jour oû j'ai pris ce one way ticket pour le bout du monde, à contre-sens de mes rêves et de mes aspirations. Depuis le hara-kiri ne finit pas, c'est un rêve qui s'écroule après l'autre, un projet après l'autre...

Nostalgie
Et puis quoi maintenant? L'impératif est bien évidemment de surpasser ce moment d'amertume avant de prendre des décisions justes pour la suite. Et puis il y a ce mal qui ne finit pas...le pays abandonné, la patrie oubliée. J'ai fui ma patrie en plus d'avoir fui mes rêves...Difficile de se consoler et un mea culpa serait à peine suffisant pour m'excuser auprès de ma mère, de mes frangins et ma frangine, de leurs enfants que je n'ai vus ni naître ni grandir (et inversement ma famille n'a pas vu le mien naître et grandir), de mes cousins, de la famille, de la patrie kabyle. Cependant rien et personne ne m'ôtera le plaisir d'écouter cet air nostalgique qui raconte justement le mal du pays et la solitude de l'exilé (l'apatride est encore plus gâté!): nostalgie kabyle. L'exilé (l'apatride) parti depuis si longtemps du pays kabyle qu'il a été donné pour mort...l'exil est une autre mort...priez, ô mes amis, que je revienne au pays kabyle àfin que mon âme retrouve la paix...Le retour de l'enfant prodigue? Un jour, qui sait! Sinon j'attendrai d'aller demander l'asile au bon Dieu! En tout cas excellente chanson du regretté Ait-Meslayène, sans doute le roi de la chanson lyrique kabyle traditionnelle, un grand monsieur de la culture kabyle du terroir dont l'oeuvre doit être réhabilitée si nous les kabyles nous soucions de notre patrimoine culturel.

Pour finir j'ai un excellente nouvelle arrivée du pays kabyle (au même moment que les mauvaises tombées avec la dernière pluie ici): un garçon vient de naître chez mon frangin! Longue vie à ce garçon et félicitations à sa soeur! Félicitations à mon frère aîné C., à son épouse ainsi qu'à toute la famille.


La vie continue, la preuve!
Sur ce je te laisse chère amie, cher ami.

Amicalement,
Mimid