lundi 29 décembre 2014

La manne céleste

De monnaie céleste,
Et de ce qu'est la Toussaint...

Ce billet fait suit au précédent Dream Work, consacré à l'argent (monnaie). Les titres des deux derniers billets sont en anglois, mercantilisme oblige :)

La fureur d'un seul dieu, aussi puissant soit-il, tel que le forgeron boiteux Ptah-Héphaistos-Thor ou notre terrible Akli kabyle, au moins deux autres personnages sortis des mythes doivent lui donner un coup de main pour que l'orage aboutisse sur une pluie de monnaie : la monnaie céleste :). Donc, on reprend notre orage et ses dieux, en plus du forgeron boiteux :
Egypte ancienne : Ptah + Seth maître de le foudre et du tonnerre justement (Seth, assassin de son frère Osiris, aurait peut-être donné Caïn, assassin de son frère Abel, chez les Hébreux ) + probablement le dieu Thot
Mythologie grecque : Hephaistos + Arès dieu de la guerre + le plus sympa des dieux grecs Hermès ;
Mythologie romaine : Vuclain + Mars dieu de la guerre + surtout Mercure le dieu du commerce ;
Mythes kabyles : le terrible Akli (Akli uzal) + un ogre : Waghzen, l'ogre dandy ou l'ogresse Tseriel ; et ... un personnage emprunté aux Phéniciens : Barca (Hannibal Barca), ou tout simplement le terme levreq (l'éclair, la foudre).

Baraka
- Mardi (jour de mars) = jour du marteau (martel) = jour de fer et du forgeron = jour du tonnerre.
- Mercredi (jour de Mercure) = jour de marché = jour de l'éclair (de la foudre, de Barca). ~ (et probablement) le jour béni, as nel varaka (le jour de bénédiction ou de baraka).
Voilà il fallait d'autres dieux que le forgeron boiteux seul !Si vous ne l'avez pas compris, Barca (l'éclair, la foudre) serait le Mercure romain, l'Hermès grec - une divinité en somme, avec le sens d'opulence à la clé.

La manne céleste
L'orage, c'est d'abord le tonnerre (mardi), puis la bénédiction de l'éclair ou de la foudre (mercredi), et enfin la pluie ou l'averse, logiquement donc le jour suivant - le jeudi, jour de Jupiter : le terme kabyle agephur (pluie) serait comparable au nom latin jupiter, et anzar (la pluie) des Mazighs occidentaux, issu de la divinité Anzar, mythe fondateur kabyle (et mazigh), serait aussi comparable à Jupiter.
D'autre part, cette pluie tant attendue expliquerait peut-être que l'eau kabyle a-man (les eaux) serait justement cette manne céleste... et serait comparable à la monnaie aussi :
a-man (eau) en kab ~ manne ~ monnaie
En tout cas, jeudi (jour de Jupiter) serait le jour de pluie ou le jour de l'eau, le jour d'Anzar.

100
Intéressant de comprendre pourquoi les vieux comptent toujours en anciens francs (en France) et que cette pratique est généralisée en Kabylie et en Algérie voisine :
alefrank c'est alef frank, soit mille francs...mais anciens, et ça se dit pour 10 dinars :) Les gens comptent en francs anciens les dinars actuels ? Non, ils comptent en centimes pour la simple raison que presque toujours :
Monnaie = 100 centimes (1 franc = 100 centimes, 1 dollar = 100 cents, 1 rouble = 100 kopecks, 1 dinar = 100 centimes, etc.).
D'où la conclusion relativement simple :
Monnaie = Cent (100) = Eau
En kabyle c'est le terme miya pour cent et aman (les eaux) pour l'eau, donc pour monnaie aussi. 
En masri (arabe égyptien) et en arabe, mi1a (100) et ma1 (eau) et mal (monnaie).
Comme quoi quand on parle d'argent liquide, on ne ment vraiment pas :)
NB : MN ou ME de cent (100) seraient peut-être comparables au mille (1000) en romanes et au blanc kabyle ML (amellal) et surtout le miya (100) kabyle serait comparable au grec méga (grand).
source
Toussaint
Intéressant comment dix (10), dix puissance deux ou cent (100) et dix puissance trois ou mille (1000) sont désignés dans différentes langues. Une brève analyse montre clairement la relation entre 10 et 1000, alors que 100 se tient à part. La notion de dizaine est aussi souvent confondu à celle de douzaine. 

Le dix (10) prendrait alors le sens de tout/tous : mera (tous, l'intégrité de) en kabyle vs mraw (10) en tamacheq à la base de la numération mazigh nouvelle. Ce mraw (dix) berbère serait peut-être lié au terme amravedh (religieux, marabout). On y reviendra une autre fois.

Le mille, multiple de dix, serait avant tout un multiple, un multi du latin multus (nombreux), ou bien tout simplement 1000 = 10 x 100, soit "tous les cents" d'où probablement la notion de tous les saints ou la Toussaint en religion chrétienne (fêtée le 1er novembre, de nos jours supplanté par la version anglo-celte Halloween). On l'a dit récemment, la Toussaint en français aurait sans doute une relation avec thousand (1000) en anglois.

Quelle est la fête religieuse kabyle équivalente de la Toussaint et Halloween ?
Il suffit de rappeler comment dit-on "dix" en kab : 3achra emprunté au masri ou à l'arabe 3ashra (10). C'est simplement Thaashurt ou Taâchourt, fêtée exclusivement ou presque en Kabylie alors que notre entourage arabe ne le fait pas, et en orient par les Perses, encore des non-arabes, soit-disant parce que l'achoura pour les chiites serait lié à leur prophète Ali. C'est tout simplement une fête des dix cents, des mille, de tous les cents, des tous les saints qui serait antérieure aux religions monopolistes (monothéistes). 
NB : L'intuition me dit que cette notion des tous saints serait liée au terme thassa (le foie) en kab. On y reviendra lorsqu'on aura plus d'indices.

Géants
Mais comment expliquer tous ces ogres, ces colosses, ces géants et ces divinités dans la mythologie de tous nos peuples ?  On a vu plus haut tous les bienfaits de l'orage, que le jeudi serait le jour de pluie, de la manne céleste, de l'opulence ; mais l'humanité, qui a toujours rêvé de farniente et d'opulence, a surtout eu à faire face au jour qui précède l'orage, à la disette, à la faim, à la soif. La Kabylie n'a pas été épargnée par la faim il y à peine un peu plus d'un demi-siècle en arrière, c'était la misère de Kabylie du regretté Albert Camus. Le constat terrible ulama laz yetswassen, l'hif izuzen ith shna (la berceuse kabyle comme sédatif et seul remède pour calmer la faim de l'enfant kabyle qui vit dans la misère) comme le chante Dda Yidhir dans sa berceuse Ssendou qui arrachent des larmes de tristesse à ceux dont les aînés ont connu et vécu la misère de Kabylie.
De nos jours, ça parle de mégaoctets, gigaoctets et de machins de bits : les gens n'ont plus faim, ils ont soif de savoir, numérique svp !, et c'est tant mieux.

Vous pouvez ne pas me croire, mais le grec giga qui a donné en français géant serait comparable...à l'arabe gu3, gi3an ou dju3, dji3an (affamé, faim). Il s'agit probablement de jeûne dans les deux cas. Le géant est donc celui qui a faim ou celui qui jeûne.
La racine kabyle FT est dans tha-fath (la lumière), fedta (argent métal), afedhis (le marteau), afedtiwej (étincelle) - le lexique du forgeron boiteux qui martèle le fer quoi ! - , mais aussi dans fadh (la soif). Et le terme kabyle Laz (la faim) serait-il lié à la lumière (luz, lux en latin) ou au terrible Akli (klaz au lieu de laz ?), qui est d'office un géant, un colosse ? et puis Akli uzal "le terrible Akli" c'est le midi solaire, l'heure de imekli (déjeuner).
NB : Juste pour la petite histoire, le terme déjeuner en russe obed' sonne comme l'arabe 3abid (esclave)...Akli aussi est esclave en kab :)
Le thème d'avant orage (période de disette, de faim et de soif) serait placé dans notre calendrier hebdomadaire le Lundi peut-être, et dans le calendrier annuel - le mois du jeûne chrétien, et le ramadhan musulman.

Eléphant
Le grec giga (géant) serait lui aussi un Mille, un Alef (1000), un éléphant : ilath en kabyle pour qlq chose d'une grandeur hors-normes, géant serait sans doute l'éléphant. Le géant grec (giga) est rapproché de la faim arabe (gu3, dji3an), parce qu'un enfant qui meurt de faim enfle avant de mourir (la maladie d'éléphant en qlq sorte), on a tous en mémoire les images terrifiantes de la faim qui a fauché beaucoup d'humains ici et là, en Somalie, au Soudan ou en Ethiopie.

All saints
La rupture du jeûne (ramadhan) par les jeûneurs (les géants quoi !) est désignée par iftar en arabe et autrement chez les juifs et les chrétiens. Le géant-jeûneurs sont pardonnés, donc sains, voir saints. Dans le cas du kabyle, c'est le terme imensi (le dîner, repas du soir ou le dernier repas de la journée) qui devrait contenir ce sens spirituel de pardon et de communion. Le dernier repas des géants ou le dîner de saints, tous les saints. La Toussaint est illustrée sur la toile du génial italien Léonardo que vous voyez plus haut sur cette page : la Toussaint est la Cène de Léonardo de Vinci. C'est le dernier repas de Jésus + les douze (et pas dix) apotres, 13 au total, le soir du Jeudi saint. Est-ce les 12 mois calendaires ? L'épacte : On ajoutait 10 jours (Tachourt ou Achoura vs la Toussaint ?) à l'année lunaire pour égaler l'année solaire ?