jeudi 12 novembre 2009

Knight flight

Post consacré aux oiseaux de haut vol et...à un toponyme kabyle/mazigh.

Chevaliers et Châteaux
L'Europe occidentale a connu sa période de chevaliers, de grands seigneurs et de leurs châteaux. Une BD ou un livre sur Ivanhoé ou sur Don Quichotte ça devrait vous rappeller votre adolescence. Cette tradition a fortement marqué l'imaginaire des occidentaux donc elle a laissé des empreintes dans leur folklore aussi.
Maintenant revenons à notre Kabylie. Des châteaux en Haute-Kabylie il y en a plein seulement il s'agit de châteaux d'eau construits dans les années 60-70. C'est une technique française moderne que de construire un château d'eau sur une tour. Jadis en Kabylie il y avait d'autres "châteaux" contruits à même la terre tout près de la source thalla pour l'eau potable, thaawint utilisée uniquement à des besoins techniques (lavage, etc...) oû en cas de sécheresse quand thalla est à sec, et bien sûr la source fraîche leynsaR toujours au plus près du ruisseau, de la rivière ou du fleuve. Techniquement thalla est comme un château d'eau, c'est un réservoir clos qui une fois le trop-plein atteint déverse son eau sur un petit bassin ouvert a-saridj/a-sharidj qui sert d'abreuvoir, donc l'eau est récuperée et stockée pour les besoins de la communauté avant qu'elle ne retourne à la nature.
Des chevaliers dans la tradition kabyle? Et comment! Ce sont les chevaliers des mythes. Tout mythe kabyle, tout conte populaire kabyle relatif à un héros commence à thalla (la fontaine, la source) oû le prince issu de la noblesse fait une mauvaise rencontre. Ce noble et brave jeune homme, un cavalier ou chevalier (amnay) arrive à thalla pour donner à boire à sa monture. Hélas il est devancé par une vieille très méchante à la langue de vipère penchée sur le petit bassin d'eau et abreuvoir a-sharidj et qui essaye de puiser de l'eau avec un...tamis. Le jeune noble patiente un bon moment sans rien dire mais la vieille ne faisait en réalité que provoquer son courroux. "Ôte-toi de l'abreuvoir, vieille femme" finit-il par lâcher. La vieille qui n'attendait que ça lui répliqua "au lieu de t'en prendre à une vieille sans défense tu ferais mieux d'aller libérer la belle (la princesse, la promise) emprisonnée à...(qlq part ailleurs dans un endroit très lointain, dans un pays hostile)". Le prince redevient gentil et demande à la vieille de lui raconter le détail, elle lui dira tout notamment comment aller vers cet endroit et quelles sont les épreuves qui l'attendent. Cette mésaventure est en fait le début de l'aventure de ce noble prince chevalier et de son escorte de cavaliers, chevaliers. C'est le début du knight flight quand le chevalier vole au secours de sa future épouse, il "vole" grâce à son cheval plus rapide que l'éclair et le vent.
Ce prélude a assez duré, ce qui nous intéresse aujourd'hui c'est le mot a-saridj ou a-sharidj. Surtout par rapport à l'étymologie du village djema saridj en Kabylie qui a été arabisé, on devine pourquoi, en djema saharidj! Plus généralement nous allons voir certains toponymes kabyles et mazigh qui ont été maquillés par les autres de façon à ce qu'ils aient une consonance arabe.

Cigogne
Ce n'est pas un chevalier mais un oiseau de haut vol au sens propre! Et puis la cigogne place son nid toujours très haut, sur des pylônes, des arbres, des tours, etc...
a-beliredj, ibel-iredj = cigogne en kabyle.
C'est sans doute iredj/yredj qui atteste ce lieu haut comme on va le comprendre à la fin de ce billet.
Vous savez que le mot a-gadhir = grenier, donc un lieu haut d'abord, un lieu dominant ou place forte et haute. Le mot semblable mais moindre en proportions c'est tha-arishth = grenier d'une maison; donc aresh signifie aussi un degré d'élévation par rapport au sol et ce mot serait aresh, iresh ou irej - iredj ou ireth - iredh. Quel intérêt? En toponymie kabyle on entrevoit déjà irjen (Irdjen) situés en bas des ath yirathen (Ath Irathen). Et puis iredh, irdhan = épi de blé, blé par extension. On peut supposer que les toponymes shawis aaris (Aris) oû même awRas (Aurès) aient la même étymologie que ces toponymes kabyles qu'on vient de citer.

La tour
Cet édifice est avant tout élevé et un lieu d'observation pour contrôler ce qui se passe aux alentours pour anticiper au cas oû. Des tours il y en a partout, La Tour du Pin en France, Tower de Londres, La Tour des Arabes à Dubaï, le majestueux et très sompteux hôtel Bordj-al-Âarab oû seul un knight sans monture mais plein de blé peut se permettre de séjourner. Si vous n'avez pas encore compris l'allusion...notre iredj-iresh serait probablement l'équivalent de l'arabe bordj. Et des bordj il y en a plein en Algérie, des toponymes bordjis le pays en regorge: Bordj-El-Kiffan, Bordj-El-Bahri (tour maritime), Bordj-Menayel, Bordj-Bou-Âariredj (c'est un pléonasme arabo-mazigh: bordj + iredj). Officicellement ce sont des tours de défense construites durant la domination turque-ottomane entre le 15 et le début du 19 siècles. Mais je suis allé sur Google Earth et j'ai recensé un tas de bordj dans l'est algérien, à l'est de Bordj-Bou-Aariredj dans le pays Shawi, là oû les turcs n'ont pas mis le pied et oû il n'y a aucune trace d'édifices rappellant une tour surtout dans des lieux déserts et inhabités comme on le voit sur la carte, donc probablement c'est une caractéristique du relief montagneux comme iredj-iresh-aresh en kabyle, voir même aris en shawi. Donc il faudra approfondir et voir si cette piste est crédible.
Par rapport à djema saridj maintenant. je ne sais si ce toponyme ne serait pas djemas aridj donc avec une realtion avec iredj, toujours est-il que dans cette partie de Haute-Kabylie on trouve des noms ou prénoms comme phaRedj ou Faredj. Il y a aussi des Pharès, Farès, Farsi. On y reviendra donc.

Agadir
Encore une fois je reviens vers a-gadhir transcrit en français Agadir. Vous savez qu'en kabyle le A devient souvent Wa surtout pour les noms: arezki-wrezki, akli-wakli, achour-wachour, amar-wamar, etc...Il s'agit de toute une autre histoire bien entendu mais je voudrais attirer votre attention sur cette coincidence si l'on appliquait cette règle de remplacement du préfixe A par Wa surtout dans les toponymes.
agadhir = wagadhir ou Agadir - Ouagadir.
Agadez, Agades (Touaregs, Niger) : Ouagades
Ceci rappelle étrangement le préfixe de Ouagadougou! Inversement Ouarzazate au sud du Maroc devient Arzewzate ou bien Arzew en Oranie dans l'ouest algérien devient Warzaw, Ourzaw, tout comme wargla - Ouargla dans le sud algérien devient Argla. Il n'est pas exclu qu'un D ou T soit caché devant ce A ou Wa, donc ces toponymes seraient Ouargla = Douar'Gla, Ouarzazate = Douar'zazate. Tout celà reste à vérifier. Sur ce permettez-moi de m'incliner et de finir ce billet. Merci de votre attention.