Exil
On ne va pas plagier Houellebecq, en bon kabyle je trouve les bretons plutôt sympas exception faite du borgne bad, ce born bad né-méchant et qui finira méchant, et puis je vous avoue que j'aime beaucoup la cornemuse! Sinon le sujet de ce billet est ailleurs, ce sont les possibilités de l'île ou des îles, le nom même "île" qui doit nous dévoiler tant de choses intéressantes.
thi-gzirth = une île, l'île en kabyle. Ici la racine est [g.z.r] oû le g est spirant.
djazira = île en sémitique-arabe avec la racine [dj.z.r].
D'abord on constate la similitude entre les deux appellations. Ensuite on sait que les sons spirants (comme k, g en kabyle) n'existent pas en sémitiques, en arabe du moins, donc le g devient un dj pour la variante arabe.
Et après on doit faire un petit rappel sur la différence et opposition entre le R et le L en kabyle, deux consonnes qui ne se suivent jamais et qui se rencontrent très rarement dans une même syllabe ou même mot. L'altération du L par le R est assez fréquente, wL,uL (coeur) est dit wr, ur (coeur) en rifain, cette altération concerne notre lexique vs lexique sémitique-arabe et vs lexique latin et parfois grec. En kabyle pour simplifier le L c'est le moteur, R c'est la roue; ou bien le L c'est la mer (eau), le R c'est la terre. On va revoir ce mot "île" compte-tenu de cette altération L-R ou R-L.
[g.z.r] de thi-gzirth serait [g.z.l]: il rappelle trop le latin comme l'italien moderne isola [izola] qui signifie "île" et "un édifice isolé (un châpiteau par exemple). D'abord cette comparaison nous permet de supposer que notre g spirant a la fonction de voyelle comme y, i en romanes. Isola a donné île en français, isle-island en anglais, etc...Les mots asile, exil parvenus en français par le latin aussi sont issus probablement de là car le sens est assez clair, un exilé est isolé comme une île!
Et comment dit-on chez nous isoler?
En kabyle c'est aazel, prononcé à tort a3zel. Ce verbe en effet interère avec l'arabe 3azel = bannir, exclure, isoler, etc...Comme d'habitude c'est la toponymie qui vient à notre secours pour nous départager. En effet en kabyle nous avons des toponymes comme Aaziv ou Laaziv (entre Tizi et Boumerdes, Naciria en arabe) ou sous la forme de Azzaba (à l'est) qui viendraient de Laaziv qui signifie un coin isolé, en retrait du village/de la ville.
Asif
Ce nom Aaziv ou Laaziv nous renvoie vers aazel (isoler) mais on voit que pour la terminaison il y a qlq chose qui manque. Ceci nous renvoie à notre supposition émise dans un post récent (Charvals 501) qui disait qu'il y aurait un L caché derrière le F ou V de terminaison, ex. jiv (poche) serait jeliv. Donc pour avoir une concordance entre le toponyme et le verbe on doit supposer que Aaziv serait Aazilv, Laaziv serait Laazilv et que le verbe aazel serait aazelf ou aazelv.
Ce phénomène du L rétabli devant F-V nous ouvre plusieurs possibilités pour mieux comprendre le lexique correspondant avec surtout les terminaisons en F ou V, voir B -P. Nous savons par exemple que le L et LF en langue kabyle (langues mazigh en général) sont présents dans les appellations relatives à l'eau (courant, navigation?) c-à-d la mer, l'océan. Prenons donc notre asif (rivière), il serait peut-être a-siLF et d'ailleurs cette forme est attestée en toponymie d'ADN, avec une petite déformation il est vrai, dans le nom de shlef ou Chlef ("rivière") à l'ouest d'Alger. En conséquence cette hypothèse LF avec le L rétabli devant F-V a raison d'être, ce qui nous pousse à revoir notre lexique surtout les mots avec des terminaisons en iF, iV, etc...On reviendra là-dessus une autre fois.
Thebes
Je voudrais terminer ce billet sur tout autre chose. Vous savez que nous utilisons les chiffres dans les toponymes (pour fixer entre autres le lieu du marché hebdomadaire dans telle ou telle région, par exemple Sevth à Tizi. Ce mot Sevth est bien entendu proche du sémitique-arabe sebt (samedi) de seb3a (sept) comme du latin/des romanes sept (7), lui-même proche du grec epta/hepta (on en a déjà parlé dans le post "7 Egypte"). Nous avons aussi Thevesth ou Tebessa (à l'est de l'Algérie) en toponymie d'ADN qui n'est pas sans rappeller Thebes de l'ancienne Egypte ou Thèbes-Thivai de la Béotie en Grèce.
Il y a deux supposition qui viennent en tête. La première est celle de replacer le L devant le V soit Thevesth qui devient Thelvesth avec toutes les variantes qui peuvent en découler. La seconde consiste à comparer TBSt antique à SBT moderne et à dire qu'il y a permutation S-T c'est à dire que le S actuellement en préfixe était en suffixe dans l'antiquité, donc Sevth aurait été Thevs anciennement et que sept (7) se disait non pas svaa mais thvas. L'approche est intéressante mais tout celà nécessite une analyse plus approfondie avant de conclure. Pour ce il faudra se rendre sur son île, la plus belle de l'archipel, et y réfléchir.