samedi 5 juillet 2008

Amour de la Patrie

On va essayer de voir aujourd’hui les personnages des «Métamorphoses» («L’âne d’or»), et plus précisément du mythe "Amour et Psyché", de notre cher Apulée de Madaure.

Avant-propos:
La translittération romaine/latine du grec: les voyelles y, é, ê, etc...prennent toujours un H dit «aspiré». Exemple : Ydra en grec donne Hydra en latin (Hydre en français).
Fait anecdotique, les romains supprimaient ce même H aspiré pour translittérer les patronymes puniques, exemple: Hannibal devient Annibal, Hannon devient Annon. On peut supposer donc que le H «aspiré» nordafricain, punique ou numide, disparaît systématiquement en latin, chez les romains.

Amour
Le personnage a été introduit par Apulée dans son roman «Les métamorphoses». Amour a son équivalent latin (romain) Cupidon et grec Eros (qui a donné Héros en ajoutant à-la-romaine le H aspiré).
Aimer en français vient du latin amare, rien à avoir avec les autres langues (indo-) européennes: love [L.V.] anglais , lieben [L.B.] allemand, Liubit [L.B.] russe. En grec « aimer » serait αγαπώ [aghapô] «aimer/chérir» ou να συμπαθήστε [na sympathisté].
En kabyle il y a d’abord le mot « tha-yri » utilisé surtout par les poètes pour désigner «l’amour», même si à mon humble avis ce mot «tha-yri» désignerait plutôt «la passion» car en effet il n’y aurait pas à ma connaissance, dans la langue kabyle, de verbe «aimer» qui découlerait de « tha-yri». Par contre dans la langue Thamazight de nos cousins occidentaux, au Maroc, il y a le verbe Ri = aimer et "l'amoureux" se dit a-maray, soit la racine [m.r] plus les affixes masculin/adjectif. Ensuite il y a le verbe communément utilisé en kabyle : «hemel» = aimer (heml’agh = j’aime). Ce verbe hemel ou hamel aurait-il muté avec le temps ? Voyons de plus près : hamel ou hemel [h.M.L] aurait la racine [M.L.] car le «h» (comme dans half en anglais) n’existe pas en libyque et il s’agirait ici d’un «h» aspiré (comme on l’a vu plus haut) donc une particularité de notre langue. Donc la racine du verbe «aimer» en kabyle serait [M.L]. Je vais risquer de faire la supposition suivante quitte à être traité de n’importequoitiste: [M.L.] serait à l’origine [M.R.] avec une mutation très répandue dans notre langue comme dans d’autres du R en L. Si c’est le cas le verbe « hamel ou hemel» serait à l’origine [M.R.] ce qui colle parfaitement avec a-Mour, mot introduit par Apulée le numide je rappelle, et par conséquent avec le verbe romain (latin) «amare» = aimer. Ceci m’amène à conclure que ce verbe se déchiffrerait ainsi : [M.R.] se composerait de M = aimer (ou autre : âme ? blesser ? déchirer ?), R = coeur ; je rappelle que dans notre langue le coeur se dit uR (ex. dans le Rif) ou uL (ex. en Kabylie). D’autre part le mot a-Mur (prononcer en français a-mour) signifie «part, partie, portion, lot» et aussi «sort, destinée». Le féminin d’a-mur existe mais la relation n’est pas évidente : tha-murth = la patrie, le pays, la campagne. S'il y a relation amour & tha-murth [M.R] amour-pays c'est tant mieux! Pour l'anecdote les anciens egyptiens appellaient leur pays km.t (terre noire), ta-djeser (pays sacrée?), ta-wy/ou ta-rwy (pays unifié) et... Ta-MeRi qui signifie "pays aimé" ou "terre aimée". Vous voyez que l'amour et l'amour du pays contient les mêmes ingrédients [M.R.], mais attention!, pas de raccourci svp.
Que le mot latin amare soit en relation avec hemel n’est qu’une supposition et non pas une hypothèse. L’intérêt pour nous est surtout de comprendre les mécanismes de mutation des mots dans notre propre langue. Là nous avons appris que le H aspiré disparaît en latin alors que c’est l’inverse pour le grec; nous avons aussi confirmé la mutation très fréquente du L en R ou l’inverse et finalement je pense avoir compris l’un des sens de la lettre/du son M libyque que je suis en train d’analyser (un post y sera dédié le moment venu).

Le mythe
Voici quelques «éléments-clés» de ce conte («mythe» en grec).
-Psyché est la fille d’un roi.
-Sa beauté est extraordinaire et suscite l’adoration, à tel point que nul n’ose demander sa main
-Elle a 2 soeurs aussi belles qu’elle, surtout mariées et jalouses.
-Aphrodite la déesse (méchante) est jalouse de la beauté de Psyché.
-Amour, «commandité» par Aphrodite de rendre Psyché amoureuse d’un être laid et affreux, tombe amoureux de Psyché.
-Le père de Psyché se rend chez l’oracle (à Delphes) pour demander conseil pour marier sa fille.
-Le père suit le conseil de l’oracle et abandonne Psyché à son sort sur un rocher.
-Le zéphyr l’emporte dans un palais
-Amour rejoint Psyché q’une fois la nuit tombée, en secret
-Soeurs jalouses poussent Psyché à la vilaine curiosité en violant le secret «conjugal»
-Rupture entre Amour et Psyché: mise à l’épreuve de Psyché ou « travaux de Psyché» (enfermement, humiliation, esclavage, traversée du fleuve de l’enfer, montagne)
-Psyché est miraculeusement sauvée par un aigle (de Zeus)
-Le roseau et la tour qui «parlent» et aident Psyché
-La «vilaine» curiosité de Psyché de nouveau fait sa perte: elle s’évanouit.
-Psyché est ranimée par le baiser d’Amour,
-Happy end: Psyché épouse Amour, il lui pousse des ailes, les ennemis sont vaincus, etc...

Comme je suis de culture kabyle et j’ai été instruit par «l’école des mères au foyer», avec toute une multitude de contes, de mythes et de croyances, je n’ai aucune difficulté à situer ces mêmes moments clés du mythe de Psyché dans d’autres contes kabyles (et «berbères» en général), la mécanique est la même. La fille du roi devenu «fille du Sultan», la déesse méchante devenue «sorcière», le dieu (ici Amour) devenu «prince charmant», l’oracle devenu «le sage des sages» a-mghar a-zemni (a-mghar ne signifie pas automatiquement «vieux, ainé ou ancien» mais aussi «le plus grand, la plus haute autorité »), la destinée (fatalité), le rocher est mythique chez nous, le vent (ici Zéphyr) qui vous emmène au loin, la peur des monstres (dans un autre conte kabyle par exemple, le prince ayant «importé» de loin sa fiancée, la cachait jusqu’au jour du mariage et les gens disaient qu’elle était un monstre, ensuite que c’était une esclave, une noire...c’est pas correct et nous le regrettons mais hélas telle était la réalité à un temps lointain... Le jour du mariage les gens ont vu sa fiancée d'une beauté exceptionelle. Morale de l'histoire: 1.humilité, 2. préserver le don de Dieu -beauté- du "mauvais oeil") ; l’humilité est divine (Amour beau comme un dieu mais il se cache) et la curiosité est vilaine ; les épreuves de la vie (souvent c’est de marais qu’il s’agit chez nous) ; la jalousie légendaire des soeurs et des belles-soeurs (en Kabylie de nos jours c’est la même chose, croyez-moi!) ; le roseau ou les murs qui parlent (souvent c’est la ronce ou le roseau) ; l’aigle sauveteur ; happy-end et mariage de la Belle et du Prince.


Pourquoi Apulée a-t-il situé ses «Métamorphoses», y compris ce mythe de Psyché, en Grèce et non pas en Afrique, en Numidie? La réponse est simple: pour plus de notoriété car la Grèce était la référence à l’époque. Posez-vous cette question : pourquoi les films français les plus réussis, notamment les comédies («Trois Hommes et un couffin», «La chèvre», etc... ) ont-ils été remakés par les américains? Tout simplement parce qu' il est opportun et nécessaire d'adapter une excellente oeuvre étrangère au pays ou marché de référence, les USA dans ce cas précis. C'est toujours le cas pour les oeuvres "universelles".

Psyché
Le personnage a été introduit par Apulée dans son roman «Les métamorphoses». Psyché est connue aujourd’hui comme étant un personnage de la mythologie...grecque. Le mot psyché (en grec ancien Ψυχή / Psykhé) signifie l'âme, l'esprit. Cette racine vous la retrouverez dans les mots modernes comme psychologie, etc...
Il y a un moment clé dans ce mythe, lorsque Psyché tombe dans un profond sommeil ou tout simplement s’évanouit. Je me permets d’avancer la supposition suivante, après tout c’est bien Apulée le numide qui a introduit ce mythe et les 2 personnages-clés, y compris leurs noms Amour et Psyché: la lettre grecque Ψ «psi» n’existe pas chez nous, le son/la lettre «p» comme nous l’avions vu (voir posts antérieurs) est une variante de W (que je transcris ici dans ce blog wP pour une meilleure reconnaissance) idem d’ailleurs pour B-de bal en français- transcrit ici wB. Le passage d’un mot grec au «berbère», ou l’inverse, montre que le P grec devient F «berbère».
Il faut retenir que dans notre langue, ex.en kabyle, «Fsi» signifie «fondre, disparaître» (et "dénouer, délier, défaire"). Donc on disait que Psyché tombe dans un profond sommeil, s’évanouit. En kabyle nous disons fsakh [F.S.Kh]= perdre connaissance, s’évanouir. Ce verbe fsakh [F.S.Kh] ou [FS.Kh] est trop proche de Psyché ou plus précisément en grec Psykhé [PS.Kh] pour être une coincidence à fortiori quand on sait que Amour lui aussi doit ses origines de son nom à notre Apuléé et à notre langue.

L’auteur du Mythe
Apulée, notre Apulée, blanc et blond qu’il était, se disait demi-numide (nordiste) et demi-gétule (sudiste). Il me semble qu’en utilisant cette formule il revendiquerait son appartenance culturelle aux mazighs (numide ou gétule), un mazigh reste un mazigh quelle que soit la couleur de sa peau ou de ses cheveux, quelle que soit sa situation géographique. Il s’agirait d’une revendication de l’unité culturelle et de l’unité tout court de l’ethnie mazigh qu’Apulée exhibe fièrement devant l’arrogant establishment romain-hellénisé. On l’aurait accusé de vanité et de sorcellerie mais à mon avis son comportement aurait sans doute éte dicté par le fait que lui enfant du pays voulait faire valoir et exhiber au travers de ses romans, notamment «Les métamorphoses», les vertus de son peuple et de son patrimoine (les mythes et contes particulièrement), son peuple déjà dominé et divisé à l’époque, et répondre à l’arrogance romaine-héllenique par son talent insolent et sa vanité. Il est inconcevable qu’un digne fils du pays, un vrai patriote comme Apulée ne soit pas aujourd’hui connu et enseigné dans les écoles d’Afrique du Nord; pour les mazighs en Kabylie, dans les Aurès, au Rif, à Souss ou ailleurs c’est un devoir de traduire et d’enseigner Apulée et il ne faut pas attendre la baraka des guétoules et l’aval des usurpateurs pour le faire.

Amour et Psykhé : deux personnages du Mythe, du génial numide Apulée qui a su mettre du «sang numide» à ce mythe pour qu’un jour ses héritiers en Afrique puissent s’en rendre compte et puissent revenir à leurs origines quelles que soient les épreuves de cette vie sous le joug des usurpateurs.



"Amour et Psyché enfants" de William-Adolphe Bouguereau

5 juillet 2008
En hommage à tous ceux qui sont tombés pour l’amour de la Patrie, pour l’ a-Mour de Tha-Murth, pour la Kabylie, pour les Aurès, pour toute L’Algérie. Fasse le Créateur que ayions d’autres braves, d’autres amoureux de leur patrie et aussi d’autres Apulées. Et aussi d’autres Amour et Psyché, peut-être sont-ils déjà là, des enfants encore.

H.Y. fils de Mohand Arezki

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