On va donc voir ce thème de plus près. Par politesse et par sympathie je vais commencer par les grecs, plutôt le grec. J’espère que je ne fais pas de faute, normalement le vocabulaire a été vérifié sur 4 différentes sources. Rappel: gamma Γ/γ se prononce GH et non pas G (comme dans Gare).
Le lait en grec se dit = γάλα [ghala], avec l’article neutre το γάλα.
Ensuite il y le terme γάλακτος [galaktos] qui signifie «de lait» (génitif).
La voie lactée en grec = ὁ γαλαξίας κύκλος [o galaxias cyclos] = «le cercle de lait».
On retient donc le mot qui désigne «lait» : γάλα (accent sur le alpha, A fort : ghA’lla).
Et voici encore quelques mots «laitiers» en grec qui serviront de «témoins» :
Fromage = τυρί [tyri]
Os = οστό [osto]
Écume/mousse = αφρός [afros]
Beurre = βούτυρο[Voutiro] littéralement "fromage de vache": βούς/βοός = vache + τυρός = fromage
Huile = λάδι [ladhi]
Vache = αγελάδα [agheladha]
Chèvre, bique = κατσίκα [katsika]
Bouc = τράγος [traghos]
Brebis = προβατίνα [provatina]
Mouton = πρόβατο [provato]
Calcium = ασβέστιο (asvestio)
Calcaire = ασβεστόλιθος (asvestolithos)
Ensuite on passe à Zeus, à la mythologie grecque donc. Au mythe d’Amalthée (en grec ancien Ἀμάλθεια / Amáltheia) associée à l’enfance du dieu suprême Zeus. Amalthée est une chèvre qui allaite Zeus enfant, aideé en cela par des abeilles se chargeant de nourrir le dieu de miel (d’après Wikipédia et autres sources). Bref, Zeus se nourissait de lait de chèvre et de miel.
Un mot sur l’Egypte ancienne. Le «lait» en hiéroglyphe de l’ancien égyptien se traduirait par «jrtt» et il semblerait que la chèvre était «ghet» (à vérifier). Dans les langues européennes la racine du «lait» est : 1) pour les romanes Lait (fr)/Latte en italien et presque idem en espagnol et portugais, tout ça du latin «lactis», 2) pour les germaines c’est Milk en anglais, Milch en allemand, 3) pour les slaves c’est moloko (prononcer : malako) en russe, donc toujours la racine indoeuropéenne MLK. En arabe pour les sémites le «lait» est « al-halib» («h» de half anglais).
Après il faut faire un petit rappel très utile d’ailleurs. Vous savez que le calcium est un élément fondamental et nécessaire à l’homme, surtout pour les enfants et les séniors. L'organisme d'un adulte contient à peu près 1kg de calcium. Dans quels aliments l’homme le puisait-il (et le puise encore)? Le lait et les produits laitiers surtout, le jaune d’oeuf et le seigle. Le lait de chèvre aurait plus de vertus que celui de la vache ou de la brebis; le lait de chèvre est celui qui ressemble le plus par sa composition au lait maternel et il est souvent conseillé par les médecins pour l’allaitement des bébés, pour la prévention des maladies cardiaques, etc...Il serait donc vital pour l’homme (et pour le dieu grec Zeus!). Il est vital pour nos OS et nos DENTS avant tout.
Bon, j’espère que vous avez retenu tout ce qui a été écrit plus haut. Maintenant l’hospitalité berbère c’est une bonne chose mais il ne faut pas oublier les siens. Donc je vais m’atteler au lexique «laitier et ses alentours» dans ma langue maternelle, le berbère du nord de Kabylie ou simplement le kabyle et je ferai appel bien sûr, et avec plaisir, aux autres langues berbères pour quelques exemples. Je vais essayer de dissiper certaines confusions mais il est aussi sûr que j’en apporterai aussi. Je rappelle qu’en kabyle (en berbère en général) il y a 2 genres (féminin/masculin), le nom masculin au singulier commence presque toujours par «a» et parfois par «u» et « i» généralement utilisé pour le masculin pluriel. Le féminin commence par «Tha» surtout et parfois par «Thu» et par «Thi» (même schéma que le masculin). La transcription des mots kabyles/berbères est en lettres latines. Alors en kabyle ça donne ceci :
Lait = aKeFay, aYeFKi, aYeFK selon les régions de Kabylie. En réalité ce mot désigne le lait à son état bouilli, lorsqu’il monte : du verbe KuFeth = écumer [écume = mousse blanchâtre qui se forme à la surface des liquides agités (le lait, la mer, etc...)]. Donc là il s'agit du lait pasteurisé en qlq sorte. Alors mes chers amis il faut chercher le mot initial signifiant « lait », pour celà il faut le voir dans tous ses états! Le lait caillé se dit i-Kil (le caillé) sous entendu lait caillé mais le mot lait n'apparaît pas.
iGhi = petit lait. Ce mot est plus proche s’il n’est pas tout simplement le bon: «lait» kabyle. Rappellez vous comment on fait le beurre à la campagne kabyle, "battre la calebasse de lait". Ou la chanson d’Idir « sssendu » : ssendu, ssendu ay ighi! Alors iGhi c’était en réalité à l’origine «lait» ?
En langage enfantin kabyle le lait est appellé «ghughu» mais le son «gh» s’est transformé en «3ou3ou » à-la-sémite, cette lettre ﻉ/ce son " 'ayn" [ʔˤ] , transcrit par les «berbéristes» en epsilon grec (quelle horreur!), n’existant pas dans notre langue il serait donc issu de l’influence dramatique de l’arabisation sur le berbère.
idhGhès = fromage blanc, colostrum
thi-iGHrifin = crêpes
uDhi = beurre
tha-Ghat = la-chèvre
iGhidh = chevreau, bouquetin («bouc de lait» si vous permettez l’expression)
(en chleuh aGhadh = bouc)
? thiGhssi (prononcé thikhssi) = la-Brebis. A vérifier car très douteux, thikhssi viendrait plutôt de Kx-S («cs») = paître, comme dans a-Mekssi (k spirant) qui signifie le-Berger/Pasteur (Messie?!).
? ZoeGhk (prononcé Zeg, z emphatique, g entre G et K spirant = version non sonore de gh/γ ) = traire. A vérifier.
tha-Ghleyt = Oeuf en chleuh
aFaroz = jaune d’oeuf.
i-Ghes = l'OS
tha-GHlalt = vertèbre
thu-Ghmesth = la-Dent
a-Ghosmar = la-Mâchoire
uGlan de [uGHlan] = les (dents) canines, crocs.
thaGhmoerth ou [thu-Ghmer-th] = côte.
thaGhrut = clavicule, épaule
i-Ghil = bras/ force
a-Ghillès = enfant/garçon fort et brave comme un fauve (exprime en qlq sorte un «degré superlatif»), on dit souvent à l’enfant « izem -, aghillès» (lion –, brave/fort comme un fauve prédateur). Il n’est jamais employé pour un adulte/homme qu’on vante autrement pour sa force et bravoure «atheras» (guerrier, fantassin). Certains berbères désignent par "aghillès" la "panthère" et autres félins mais en réalité il signifie Fauve (et donc félin?, comme ça personne n'a tort!).
La Grandeur
La racine laitière exprimant la grandeur/longueur est présente dans le grec comme dans notre langue.
En grec :
Pour info: Longueur = μακρος [makros],: qu'on retrouve dans macro (macroéconomie), l’antonyme est micro.
γέρος [ghé-ros] = vieux.
γερός [gher-os] = solide, fort, costaud
Grand, long = μεγαλος [meghalos] préfixe Mega (magnus en latin) : "méghapolis" = mégapole.
Μεγας Ἀλέξανδρος [megas Alexandhros] = Alexandre Le Grand
En kabyle (et en berbère en général):
a-Moghran = Grand, Long, Ainé, Supérieur, Chef. Ce mot est faussement transcrit aMokran/Mokrane dans l’état civil francisé et il est prononcé faussement a-Moqran, la post-vélaire sémite ? "q" ayant remplacé (par tension) la vélaire d’origine gh/γ, autre exemple des conséquences néfastes de l'arabisation de notre langue-mère ? , mais à partir de quel moment (influence phénicienne)? Tout laisse penser quec ette lettre est intrinsèque au berbère depuis longtemps vu le Q-vocabulaire
amGhar = vieux, doyen, staroste, chef de famille/clan, beau-père. thaeGhzi = longueur. Idem Gheuzif = (il est) long, adjectif qui donne a-Ghezfan = le-long.
Jugurta
Il y a le verbe contenant le gh/γ laitier: uGh-kar qui devient uggar = dépasser, vaincre. J’ai remarqué ce phénomère dans le grec qui allie gamma, le son «GH» et K pour former le son G (comme dans Gare en français). Sauf que pour le kabyle, par exemple dans le verbe Uggar le G est souvent spirant. Toujours est-il que ce verbe signifie en kabyle/berbère: Suprématie, supériorité au-dessus de tout les autres; Vaincre et battre lors d’une compétition, un combat, une bataille. Donc celui qui hérite d’un qualificatif avec la racine de ce verbe est au-dessus du lot, un victorieux, un Superior, un Maximus quoi!
Le nom de notre légendaire prince numide qui a tenu la dragée haute au rouleau compresseur romain est en français Jugurta, en italien Giucurta (djiukurta), etc.... En berbère nous disons Yugurthen qui serait en fait « Y uggar ithen » (litt.: il dépasse les, sens: il les dépasse). Dépasser à tous les niveaux mais comme on parle de l’art de guerre le mot signifie ici «vaincre/battre». Donc Yugurthen signifierait le victorieux et serait par analogie au latin tout simplement Victor! Alors Ave Victorus Numidicus! Pour la petite histoire le seul à avoir ouvertement critiqué Rome pour le supplice qu’elle a fait subir à Jugurta et la cruauté des chefs romains Marius et Sylla, c’était le roi du Pont (mer noire) Mithridate VI, un grec courageux et intrépide qui sera à son tour victime de l’ogre romain et vaincu par Pompée. Ce vénérable roi avait un fils qui s’est révolté contre lui et a provoqué sa mort (il se fit tuer volontairement par un de ses mercenaires), et son fils s’appelait Φαρνάκης [farnaces], enlevez le suffixe masculin usuel en grec «es» et vous aurez farnak ou farnas (pour les latins). Voilà, supposons que la légende de la gandeur d’âme de Mithridate VI ait atteint la Numidie, je me demande si le mot kabyle/berbère «a-Farnas ou a-Fernas» (préfixe indisociable «a» pour le masculin) qui signifie « hécatombe, boucherie et désatre total lors d’un combat/bataille» ne serait pas en relation avec ce fils indirectement mais quand même patricide. En effet y a t-il chose plus désatreuse que ça?
Insolite
GH se retrouve même là oû il n’y a pas d’os!
GH, en kabyle : thaghoeshth (tha- et –th : affixes du féminin) ou [tha-GHush-th] = voix.
L en kabyle, la langue (l’organe) en kabyle est [iLes].
GH+L en grec: γλώσσα [glossa] = langue., dans les 2 sens. D’oû le mot glossaire notamment.
G+L en russe : golos [golas] = voix et [iazik] = langue dans les 2 sens.
G+L en sémite-arabe : [lugha] = langue (d’expression/vocabulaire) et [lisan] = langue (l’organe lui-même).
Deux questions:
1. Y a t-il un rapport entre lait et voix ? Oui, le lait chaud avec du miel aide au rétablissement de la voix!
2. Le mot [iLes] berbère aurait-il perdu son [gh] ou est-ce simplement parceque pour nos aïeuls la voix primait sur la langue pour désigner un son? Peut-être. Ou bien le tifinnagh allierait-il la langue (le L[iLes]) et la voix (le Gh de [ghush]) pour exprimer la langue d'expression au sens de [ghlossa]. Que des suppositions! Dans certaines langues [alas] signifie voix (ex. ossète, langue des alans). Aussi on retrouve le Gh dans [suGH] = crier, [thiGHri] = cri, [thiGhrathin] = youyous. Mais le constat pourrait être le même pour le grec: κραυγή [kranGHi] = cri. Je me demande si l’un des nombreux noms de l’âne en berbère [aghiul] ne serait pas dû à son habitude de braire?!!
Conclusions. Bizarres coincidences.
Pour le kabyle (berbère) le lien animal (chèvre)- son lait – et l’homme (os/dents) saute aux yeux. L’importance de la chèvre pour le berbère est indéniable. Aujourd’hui à l’Ouest dans l’Atlas occidental (Maroc) chez nos cousins Chleuhs, la chèvre se fait une notoriété allant pour celà jusqu’à monter sur les arbres arganiers! Les vertus de l'huile d'Argan sont connues, espérant que demain on ne nous dira pas que le mot «aRgan» (aRegane?) n’est pas berbère chleuh.
Par ailleurs l'appelation de l'oeuf en chleuh (tha-ghleyt) est la vraie version berbère. Voici pourquoi: en kabyle thamellalt signifie blanche de la même manière qu'en sémite/arabe = bayDh relatif à la couleur blanche abyaDH. Donc, si c'est un emprunt, les kabyles ont tout simplement adapté cette version sémite/arabe à leur langue. Par contre à l'est d'Algérie les chawis arabisés disent encore dans leur dialecte lâaDHem pour désigner les oeufs, omelette (un algérois ou oranais ne comprendrait pas!); en effet ils ont pris un mot arabe (îDHam = os, d'oû l'adjectif âdhim = tout-puissant, grand) pour remplacer le mot berbère (probablement tha-ghleyt) mais en sauvegardant le sens berbère initial avec la liaison "oeuf - os"!
Il faut éviter les raccourcis mais on ne peut s’empêcher de faire certains rapprochements assez bizarres et parfois drôles. La racine laitière «Gh» se retrouve partout et notamment dans chèvre pour le berbère. Pour le grec elle se retrouve dans bouc mais pas dans chèvre!, mais elle y est aussi dans Vache. Comme quoi les grecs ont trahi leur dieu Zeus en préférant le lait de vache! Et moi qui n’ai jamais bu de lait de chèvre, modernité oblige, que dire de ma kabylité et berbérité! Ce par quoi le grec désigne l’écume (afros) le kabyle désignerait le jaune d’oeuf (a-Faroz) et le chleuh coquille d'oeuf?! aGhillès kabyle/berbère est phonétiquement proche du grec Αχιλλευς (akhiléus)-Achille, quelle relation? Atheras, fantassin berbère, est le nom d'une île en Grèce! Tiens, en grec un homme est appelé αντρας [antras] mais se prononce [andras]. Bon assez pour aujourd’hui, ça fait beaucoup! L’étymologie berbère et la géométrie de la lettre GH (équivalente à gamma grecque γ) sera étudiée une autre fois. A propos de quantité (excessive!) il y a un mot kabyle qui m’intrigue: «Khila» qui signifie beaucoup en quantité/poids/nombre. En grec il y a le mot χίλια [Khi’lia] = mille, unité de mesure grecque à partir de laquelle est parvenu le mot Kilo (kg).
Pour finir. La voie lactée en kabyle/berbère je ne connais pas, les versions sur le net ne me sont pas connues (il faudra les vérifier d’abord). Donc désolé. Par contre je vous propose une autre «voie lactée kabyle», la fabuleuse et très touchante chanson du grand monsieur de la chanson kabyle Idir avec sa chanson– hommage aux mères kabyles et berbères en général «Ssendu» (battre la callebasse de lait pour faire du beurre). Bonne fête du 8 mars à toutes les femmes, à nos mères, nos soeurs, nos compagnes, nos filles, enfin à toute notre galaxie féminine! Bonne écoute.
«Ssendu» d’Idir sur Dailymo. Merci à « Tadukli».
PS:
Un peu d’humour pour terminer. Un jour à l’école d’après-guerre (60's) en Kabylie pendant le cours de français un enfant de notre terroir, orphelin de père, Mohand aMéziane (Momo junior, diraient les jeunes d’aujourd’hui) était embarassé par la question de son instituteur qui lui demanda de lui expliquer le sens des homonymes «voie & voix» àfin de les différencier. Sa réponse est devenue légendaire: «la voie ferrée et la voix thaghoesht»! thaghoesht (tha-Ghoesht) signifie "voix" en kabyle. Il y a aussi le mot thiyirsi = cordes vocales, oû le "gh" se transforme en "y" [yi], (phénomène présent dans le grec: ghé/ghi = yé/yi), sinon on aurait eu thighirsi, mot proche de thighri (= cri) par exemple, avec toujours la racine ghR des sons vocaux: cri, chant, language
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