dimanche 23 mars 2008

Agadir

Dernièrement plusieurs militants des droits culturels et citoyens des Imazighen (berbères) au Maroc ont été condamnés à de lourdes peines, ceci dans l'indifférence générale de leurs compatriotes et voisins et des médias nord-africains notamment.
Par ailleurs ces derniers jours le thème des relations entre l'Algérie et le Maroc est revenu dans les médias: réouverture des frontières/guerre du Sahara/ et même guerre entre les deux pays!, etc...
Que dire ?

MADZ et DZAM
A voir de plus près les relations entre la république DZ (Algérie) et le royaume MA (Maroc) on a surtout l’impression qu’ils ne sont sur la même onde que lorsqu’il s’agit de mater, de casser du berbère. Otherwise ils sont prêts à se faire la guerre économique, idéologique et guerre tout court. Cet acharnement aveugle commun aux deux régimes contre les revendications légitimes du peuple autochtone reflète avant tout leur peur plus que leur haine, qui n’est qu’une conséquence souvent amplifiée par l’impunité la plus totale et l’indifférence des «populations» de ces pays. En effet ils ne risquent pas d’être mis à l’index par la communauté nationale ou internationale. Ils sont surtout certains que leurs adversaires sont désarmés et ne bénéficient d’aucun soutien extérieur. Donc autant s’investir dans la haine, vu le risque zéro. Pour ces raisons et pour d’autres ces ennemis du peuple et du Créateur n’y vont pas de main molle. Après les événements du printemps berbère en 1980 en Kabylie la répression des «autorités» contre les kabyles dépassa l’entendement. Outre les condamnations à de lourdes peines des militants, en Kabylie orientale (capitale Bougie) un jeune garçon fut condamné à mort et exécuté pour avoir déchiré le drapeau national, porté par la foule il l’aurait décroché du flagstaff. Pour «eux» ça méritait la peine capitale et ce jeune kabyle fut exécuté par les ennemis du peuple et du Créateur, les mêmes qui deux décennies plus tard iront jusqu’à gracier les nihilistes sanguinaires qu’ils ont engendré, des saigneurs coupables de crime contre l’humanité; «ils» l’ont fait car ils mangent dans la même soupe qu’eux, la soupe de l’usurpation. Aujourd’hui on assiste à un acharnement des autorités marocaines contre les militants imazighen pacifistes, ils sont allés de leur main lourde jusqu’à condamner un mineur à la prison ferme! Donc le scnénario kabyle se répète pour les imazighen et chleuhs. Ce que ces autoritaires ne savent pas c’est que ce déséquilibre des forces qui leur est favorable aujourd’hui va être rompu un jour et ce jour ne va pas tarder. Et malheur à ceux qui oppressent les innocents sur la terre de leurs ancêtres, bientôt le Créateur rendra justice et le peuple sera en mesure de se défendre. Un jour ou l’autre l’union des peuples de ces deux pays se fera dans la fraternité et sans la haine viscérale des saigneurs aux âmes condamnés à l’errance éternelle. Vous autres les oppresseurs d’innocents, cessez d’humilier le peuple et repentissez-vous avant qu’il ne soit trop tard, vous sauverez vos âmes et votre descendance.

Police Aghyul
La guerre qui éclata en 76 entre les deux pays à cause du sahara occidental symbolise on ne peut mieux le désastre spirituel de ces deux pays. Je me rappelle encore la tournée de «leurs» gendarmes dans tous les villages kabyles: ils sont venus prélever l’impôt de guerre, c-à-d embarquer nos enfants pour servir de chair à canon et défendre on ne sait quelle terre ensablée et cet énigmatique «polissario» (nous ados on l’appelait «police aghyul»), qui a pris place aux cotés de « thawra ziraâya», «mithak l watani», «barrage vert», « âarabiya loughatouna» et autre charabia. Comme ils l’ont fait auparavant pour la guerre en Egypte contre Israel: ils ne se gênent même pas en recourant à des berbères pour défendre les arabes!contre leurs cousins juifs! Ils imposaient au peuple qu’ils oppressaient l'impôt du sang comme le faisaient leurs prédécesseurs les francs-méchants, les français haineux mais qui ne se gênaient pas non plus de faire appel à des "indigènes" pour combattre les allemands et les redoutables SS. De cette guerre mondiale à mon village d’origine est revenu sain et sauf un personnage hors du commun surnommé «l’agile» revenu de cette boucherie fortement handicapé certes mais vivant quand même. Ce brave qui avait un grand sens de l’humour fût fait prisonnier par les allemands mais il réussit à s’enfuir et ensuite rejoigna le front comme volontaire oû il fût gravement blessé. Il nous a raconté beaucoup de choses sur cette guerre lorsqu’on le faisait parler. Son malheur fût que quelques années après avoir combattu pour la France il voit arriver dans son propre village des paras français venus humilier et tuer son peuple. Ils sont venus sans doute faire la sale guerre aux villageois façon de se racheter de leur humiliation par les allemands qui à armes égales les ont mis en déroute. Vous imaginez ce que ressentait «l’agile» lorsques des scums en treillis le narguaient dans son propre village lui qui a défendu leurs villes et villages contre leur ennemi? Humilier le plus faible est le propre des fumiers. Ils humiliaent nos villageois comme les prisonniers de guerre allemands qu’ils ont amenés en Afrique pour les travaux forcés. Beaucoup de jeunes prisonniers allemands se sont suicidés pour échapper à l’humiliation quotidienne par les soldats français. Grâce à «l’agile», nous ados avons très tôt compris que les nazis mis à part, les allemands étaient travailleurs et respectueux du travail d’autrui, bons guerriers et sans pitié pour l’ennemi mais ils ne s’abaissaient jamais à ce niveau de fripouilles qu’étaient la plupart des soldats français en systématisant l’humiliation de la population kabyle en particulier, algérienne en général.
Presque le même scénario se répéta sous les auspices de la nouvelle usurpation: une fois humilés par les israéliens les «chifan», gardiens du temple de l’arabité-islamité, aimaient se racheter contre plus faibles qu’eux, dans notre cas contre les populations autochtones. Un kabyle risquait d’être jeté en prison ou d’être lynché dans un bus algérois s’il osait parler dans sa langue maternelle! Un jeune de chez nous est heureusement revenu sain et sauf de la guerre d’Octobre (son compagnon du hameau voisin n’a pas eu cette chance). Il nous a un peu raconté cette guerre. Depuis je n’avais plus besoin d’un dessin pour comprendre que jamais «ils», les égyptiens et autres, ne gagneront aucune guerre contre une armée, «leurs» chances sont nettement plus grandes lorsqu’il s’agit d’«affronter» des civils désarmés, comme notre population par exemple.
En 1976 donc a éclaté cette guerre au sahara occidental, en réalité entre le Maroc et l’Algérie. A l’époque je pensais que le peuple polissario était virtuel, une invention pour justifier la guerre; un jour vingt ans plus tard à l’étranger on était cinq algériens stupéfaits de voir deux sahraouis polissario porteurs de passeports...algériens, lol! Il paraît que des orientaux aussi en bénéficiaient à l’époque. Bon revenons au conflit de 76. Je suppose que malgré toutes les différences qu’il peut y avoir entre les peuples de ces deux pays cette guerre est une honte et la preuve même de l’humiliation que font subir les «chifan» à leurs peuples. Je me rappelle donc comment «leurs» gendarmes sont venus, à l’instar de tous les usurpateurs précédents, prélever l’impôt du sang. Je revois le désarroi, les larmes, l'hystérie de cette veuve à qui "ils" voulaient enlever ses deux fils d'un coup. Son fils cadet A (un garçon d’une politesse exemplaire) était déjà à Tindouf à l’avant-garde du front, et ce jour là elle voyait «leurs» gendarmes embarquer de force son fils aîné, lui-même père de deux petits enfants, réserviste mobilisé pour la circonstance. Cette femme n’aurait jamais pleuré si ces deux fils étaient partis défendre leur patrie, leur terre, mais là...La rancoeur et la haine voilà ce que moi enfant j’ai ressenti ce jour là. Heureusement que l’aîné de la veuve fut démobilisé très rapidement et que son fils cadet A est revenu sain et sauf de cette guerre. Il nous raconta un peu ce conflit notamment comment leur camp fût survolé par les «f4 phantom» marocains ou comment les «mig» algériens faisaient des incursions en territoire "ennemi", etc... Il nous apprit aussi quelques chansons marocaines qu’on savait très rythmées, «tikchbila» entre autres! Comme quoi les peuples sont sur la même longueur d’onde au contraire des «chifan». Malheureusement un autre A, un orphelin, le fûret du terroir, un peu le Tom Sawyer du village, à peine sorti de son enfance a été appellé sous les drapeaux et envoyé 2 mois après sur le front oû il fût fait prisonnier de guerre...il a été libéré presque deux décennies plus tard, entretemps moi-même je suis parti en exil et je ne l’ai plus revu donc. Nous enfants et ados avons vécu cette guerre à notre façon. D’abord on se demandait si les deux régimes n’ont pas décidé d’exterminer les berbères de «leurs pays» respectifs en les faisant confronter sur le champ de guerre et en particulier, si un rifain ou un chleuh peut tirer sur un kabyle ou chaoui et viceversa et en général, un algérien peut-il tirer sur un marocain et viceversa. Chacun comprenait que notre tour viendra et nous serons nous-mêmes confrontés un jour à défendre les «intérêts de l’usurpation», peut-être ils nous appelleront pour faire la guerre aux martiens! Mais il y avait dans cette guerre honteuse pour les deux pays d’abord une grande tristesse, de l’angoisse et ensuite une sacrée dose d’humour noir. On pariait entre nous sur quel type d’armes utilisait l’armée marocaine contre le polissario : des patates ou des tomates? Eh oui, à l’époque la propagande, des deux cotés d’ailleurs, était flagrante et à la radio nationale chaque jour on anonçait « le polissario a abattu X et a blessé Y soldats ennemis ...de son coté le polissario n’a subi aucune perte...» Voilà nous on était à peu près sûrs que «les soldats marocains utilisaient à la place de balles réelles des patates ou des tomates (au choix)»! D’autre part il y avait «radio Tanger» qui émettait vers l’Algérie avec chaque soir une émission en dialecte nord-africain et en kabyle. On écoutait parfois en groupe d’ados ces émissions qui nous faisaient autant rire que Roland Magdane sur RMC, notamment l’expression virulente «Boukherouba lkhayine» (contre Boumédienne) mais très drôle à notre avis, sans doute à cause de l’accent du dicteur différent du nôtre! Il est à souligner que «leurs» gendarmes faisaient des descentes pour justement prendre ceux qui écoutait «la voix ennemie», on risquait la prison donc. Heureusement pour les deux peuples en début 80’ il y a eu un réchauffement entre l’Algérie et le Maroc. Et tout le monde écoutait librement une radio qui émettait du Maroc : Médi-1 aussi populaire chez nous à l’époque que la chaîne 3 algérienne. Voilà j’espère que cette note d’optimisme nous aidera à fermer cette parenthèse douloureuse et passer au sujet propre à ce blog: la langue.

AGADIR
Je suis à peu près sûr que les berbères des deux pays ont une grande responsabilité et un rôle primordial à jouer dans le rapprochement entre l’Algérie et le Maroc dans un premier temps, ensuite à long terme travailler pour l’unité de l’Afrique du Nord dans toute sa diversité. Il faut assumer donc.
Agadir! C’est sans doute là oû je voulais me rendre en premier, récemment encore, façon de découvrir le quotidien de nos cousins. Mais vu mon origine ethnique je pense que ça craint par les temps qui courent, donc une autre fois peut-être. Mais le sujet concernant Agadir aujourd’hui est strictement linguistique. Je me suis penché sur l’étymologie du mot et je suis tombé sur les conclusions du spécialiste en langues berbères à l’INALCO Salem Chaker qui dit que pour sûr ce mot vient du phénicien. Voici ces conclusions:

Agadir = "grenier fortifié, muraille", du punique gader, "mur, rempart". Lexème pan-berbère et toponyme emblématique du territoire berbère, de la ville d’Agadir en passant par tous les villages et greniers fortifiés de l’Atlas, sa phonologie, son schème (aCaCiC), sa morphologie (pluriel : igadiren ; état d’annexion : ugadir) en font un nominal berbère parfait, un modèle de berbérité. L’emprunt au punique ne peut pourtant guère faire de doute, à la fois en raison de la concordance des signifiants et des signifiés, mais aussi parce que la racine GDR n’existe pas par ailleurs en berbère : la forme «agadir» est lexicologiquement isolée, ce qui constitue un indice de son origine étrangère .

Je ne vais pas , et je ne veux pas!, douter ou remettre en cause les conclusions de cet éminent spécialiste (qui suis-je d’abord pour le faire?), néamoins je ne suis pas convaincu de cette conclusion et voici pourquoi. A mon humble avis on a droit d’émettre des doutes, après tout il s'agit d'une hypothèse et non d'un dogme :
1. Géométrie: il faut d’abord scinder la racine à part (G+D) + le suffixe à part, ici «iR» qui définirait la forme (lire le post « le cercle R» dans ce blog). Le suffixe «iR» suppose 90 degrés d’un cercle, un secteur, un arc (du cercle) ou plutôt un mur (dans un plan) plus précisemment. Ça aurait été un «eR» qu’on aurait compris qu’il s’agissait d’un hémicycle. Donc géométriquement ce mot est berbère.
2. Le sens originnel des consonnes G et D: s’agit-il d’un G spirant (comme dans la prononciation berbère actuelle) qui n’existe pas dans les langues sémites; s’agit-il d’un GH à l’origine transformé en G spirant?; s’agit-il d’un G classique (comme dans Gare) son qui n’existe pas dans les sémites (l’arabe du moins, il est remplacé par «DJ»)?: et finalement le D est un D latin (comme dans Dalle) ou un DH comme delta grecque?
3. La racine: si on se limite à la racine G+D , le suffixe à part, on trouvera une multitude de mots berbères. Même avec GDR on a ighidher = aigle. Ou mieux encore : aghdhir ou igdir = boue (synonyme: aLoudh, thaloudha = boue) qui peut-être signifierait à l'origine "mortier" ou "colle" pour élever un mur, une maison (synonyme: ikhmir, tikhmirth = mortier). Le son «ag», G spirant, signifie « faire, construire » (ag akham = fais/construis une maison / une famille).
4. Pourquoi n’y a t-il pas (à première vue) de toponymie proche de «gader» dans les villes phéniciennes du Levant et on les retouve qu’en Afrique du Nord (Agadir) et en Ibérie (Cadix)? Le nom de la ville touarègue Agadès est-il en rapport avec cette racine GD + suffixe?
La langue punique elle-même est-elle composé de vocabulaire 100% phénicien uniquement?
5. Etymologie «géométrique» que l’on peut supposer:
aG = générer, faire, construire
aDH = le delta indique le sommet dans la sémilogie du tifinagh (je prépare un post dédié à la gémoétrie de la Delta tifinagh, je le mettrai en ligne prochainement). Ici « aDh» indiquerait peut-être «élévation».
iR = suffixe qui indique la forme et la portée comme je l’ai déjà écrit en partant de zéro du «a» au début du mot à sa fin «i» du suffixe «iR» il y a un secteur (voir « le cercle R»), donc un arc, un mur. On aurait eu par exemple «anar» (aire de jeu) ou «urar» (jeu) on voit que c’est d’un hémicycle qu’il s’agit ( 180 degrés, demicercle)
Il faut souligner que le mot "agadir" [agadhir] - G spirant - est aussi utilisé en berbère, chleuh en l'occurence, pour désigner la termitière/fourmilière.


Je ne prétends pas détenir la vérité mais ce mot me paraît être vernaculaire et non un emprunt. Peut-être que j’ai tort, allez le savoir. Mais il est bon d’interpeller les spécialistes sur ce genre de sujet, ça permettra à tout le monde de défendre d’abord sa langue et sa mémoire au lieu de céder par paresse et calcul au simplifisme académique qui consiste à dire «c’est un emprunt, point à la ligne». Référez vous à la version du spécialiste (M.Chaker) mais n'empêchez pas votre cerveau de réfléchir.

Allez, hasta la vista Agadhir!

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