samedi 30 janvier 2010

Kahina

Le nom et le destin de la dernière des braves enfin expliqués?

Tabarca 702
L'an 702 est à jamais gravé dans nos mémoires, cet an là notre patrie tomba définitivement entre les mains des envahisseurs arabes et de leurs musulmans. Nous savons que la reine Dihya (ou Damia) serait originaire des Aurès en pays shawi, son sobriquet "al-kahina" (prophétesse, sorcière?) lui aurait été donné par les arabes. Nous savons que Dihya a perdu sa dernière bataille en 702 à Tabarca (Tabarka en Tunisie actuelle) et qu'elle fut décapitée par les arabes et leurs musulmans, sa tête fut ensuite ramenée au calife omeyyade de Damas selon certains, sa tête aurait été jetée dans un puits qui portera le nom "bir al-kahina" (le puits de la Kahina) selon d'autres. Il est temps d'en finir avec ces araberies et traiter ce sujet plus sérieusement, il s'agit de notre histoire et non pas celle des arabes et de leurs musulmans ou de qui que ce soit d 'autre.

Kahena
Primo il faut rappeller qu'en kabyle, en shawi (mazigh en général) c'est l'origine géographique de la personne qui donne les noms et sobriquets, du toponyme vient le patronyme ou le sobriquet.
Secundo il faut comprendre comment les arabes-musulmans excellent dans la déformation des noms mazigh, il n'y a qu'à relire le billet de décembre 2009 "Calama" sur ce blog et se rappeller leur méthode "à la Crazy Joe" qui fait de Shakespeare = cheïkh zoubir. Pour eux l'objectif est de donner une consonance et un sens arabe à des mots étrangers quitte à les déformer et massacrer, ça fait partie de leur razzia' spirit!
En clair ce sobriquet "Kahina" aurait été simplement une déformation arabe d'un nom mazigh qui lui indiquerait l'origine géographique de Dihya. Il reste à trouver le toponyme relatif à de tels noms et sobriquets.
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h minuscule: prononcé comme dans haRa en kabyle, help en anglais
H majuscule: rpononcé comme dans Hraw en kabyle, Here en anglais
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En réalité la solution est à la surface. La deuxième version de la légende arabe selon laquelle la tête de la reine Dihya-Kahina aurait été coupée à Tabarca soit au nord de l'actuelle frontière alégro-tunisienne (sur la méditerranée) et ramenée ensuite à Bir-el-Kahina dans la région de Tébessa soit au sud de cette même frontière pour être jetée dans un puits paraît tout simplement ridicule, on peut dire ce qu'on veut des arabes mais honnêtement je pense qu'ils auraient pu trouver un puits plus proche du lieu de leur crime pour se débarasser de la tête de leur farouche ennemie. Il suffit de réinterpréter le mot, voici notre formule du jour:
N ~ hN, HN
Tout simplement ces h, H devraient être aspirés en kabyle, shawi (mazigh) alors qu'ils sont prononcés en sémitiques (arabe notamment), inversement nos sons spirants g, k n'existent pas en arabe car ils ne peuvent pas les prononcer.
En clair ce Bir-Kahina ou bir-al-kahina (puits de Kahina) est une déformation arabe, bédouine, hillalienne d'un toponyme mazigh qui existe de nos jours en Kabylie, au Rif et ailleurs:
Bir-Kahina = Berkan, Verkan
L'adjetif verkan tiré de la racine [vrk] signifie "brun, noir, sombre, foncé". Un toponyme d'un lieu hautement symbolique aux Ath-Dwala dit akal a-verkan interprété comme "la terre noire" aurait une toute autre signification en toponymie kabyle et mazigh. Verkan transcrit faussement en Berkane se retrouve à l'Ouest au Rif.
Première conclusion: ce lieu bir-kahina non loin de Tébessa serait un nom appellé initialement Berkane, Verkan. C'est une quasi-certitude. Comme il est désormais certain que la tête de Dihya ne serait pas jetée dans un puits "bir-kahina", probablement les égorgeurs l'ont ramenée à leur calife en Orient.
Seconde conclusion: sans écarter l'hypothèse arabe de "Kahina" (prohétesse), phonétiquement proche de l'hébreu cohen (prêtre), on devrait vérifier si ce sobriquet ne serait pas initialement en langue mazigh à l'origine géographique de Dihya. D'ores et déjà on peut formuler une supposition que voici. J'ai écrit deux posts en arrière (Bizerte) que les arabes n'ont rien compris aux toponymes mazigh même en les arabisant, une personne issue de Biskra, mot avec la racine SKR, ils l'appellent al-biskri sans enlever le préfixe "b" alors qu'en mazigh de Biskra vient le nom avec seulement la racine comme Sekr ou Zekri. Idem pour un toponyme Verkan, Berkane qui donnera un patronyme ou sobriquet sans le préfixe "b" soit RKN. Entre Verkan, Berkan et Kahina la relation aurait pu exister seulement si le R de la racine RKN avait chuté dans sa version arabe "kahina" au lieu de "rekina". C'est peut-être tiré par les cheveux mais phonétiquement le mot arabe "kahina" (prophétesse) serait peut-être une déformation (avec la chute du R et ajout de leur "h") du mot rekina ou regina [réguina, rédjina] qui en latin (et italien) signifie "reine"...et Dihya-Kahina était une reine justement!; Et l'usage du latin était fréquent à l'époque pré-araboislamique en Afrique du Nord. La chute de ce R devant le K (ou G, Q) existe ailleurs, RGN devient QN de queen (reine), king (roi) en anglais et könig (roi) chez les germains et scandinaves, comme quoi...Piste à suivre en tout cas.

Khôl
Le khôl contrairement à ce que disent les usurpateurs ne serait certainement pas un mot arabe, d'ailleurs le khôl est utilisé comme maquillage par les femmes, les marins depuis des millénaires (et par les tangos depuis qlqs années!) dans toute l'Afrique du Nord, en Egypte ancienne, en Orient, etc...Le khôl est une substance sombre, noire surtout.
On doit supposer que si les "h, H" se cachent devant N comme on l'a vu plus haut, il serait juste et opportun de supposer et vérifier que ces "h, H" font de même avec L:
L ~ hL, HL
Notre fomule va expliquer un mot assez péjoratif utilisé en Afrique du Nord par les arabophones que ce soit en Tunisie ou en Algérie, au Maroc un peu moins:
Kahlush (en fr. Kahlouche) = nègre, noir.
Il vient de K'hel (noir) en argot nord-africain, ce mot n'existe pas en arabe!, l'équivalent arabe est "aswad, sudan" (d'oû Soudan "pays des noirs" apparement). En Afrique du Nord il y a même des noms Kehel, Lekhal (le noir), il y a aussi meKehla (fusil) en argot DZ qui en kabyle est tha-muG'halt (fusil). Mais d'oû vient de K'hel, Kahlouche (noir) en argot nord-africain?
En kabyle nous avons (avec un k spirant) a-kli = 1. un esclave, 2. un boucher. En réalité les esclaves exerçaient le métier de boucher chez les kabyles. Cependant on ne peut pas exclure que akli (boucher) et akli (esclave) soient simplement des homonymes. Et si on appliquait notre formule du "h" rétabli devant le L on aura:
a-kli ~ a-khli (kahli)
Donc notre a-kli (esclave) se rapproche de l'argot nord-africain Kahlush ou en fr. Kahlouche (nègre, noir). Voilà comment le lien peut être établi entre ces deux mots. Reste à souhaiter que les gens en Afrique du Nord feront preuve de plus de tolérance vis-à-vis des gens de couleur issus du Sud et aboliront à jamais le mot Kahlouche ou akli de leur langage quotidien.