dimanche 9 novembre 2014

La ride du lion

Ce billet est entièrement consacré à un poème de Dda Lounis Ait Menguellet. Si l'on veut retrouver le Sisyphe du regretté Albert Camus qlq part en Kabylie, c'est bien dans cette chanson de Dda Lounis que l'on peut le retrouver. Ecouter la version originale ou la version plus tardive. Ce que j'aimerais, c'est que nos poètes ou simplement nos littéraires se penchent sur la traduction (vers le français, au moins, pour les enfants de la diaspora kabyle) de ce trésor, je l'aurais fait moi-même si j'en avais le talent.  Par contre, le lexique de ce poème (mots en gras) donnera lieu au prochain billet sur ce blog, je vous ferai découvrir le lexique kabyle comme vous ne l'avez jamais vu !
source
TitreAcuγer, ashu gher (Pourquoi ?)

A Lunis, acuγer i kerz unyir-ik ? 
(Pourquoi ces rides, Lounis ?) 

anyir-iw kerzent wusan
zerεent-id d-lmeḥna,
kerzent s-usefud yeṛγan
i waken a d-tegwri cama,
kerzent-id bγir lawan
megreγ-d siwa urfan
uǧǧaden anebdu, cetwa…

(le temps (l'âge) a labouré mon front
pour y semer la souffrance, 
des sillons au fer rouge, 
pour que j'en garde les stigmates, 
des rides avant l'heure, du labour précoce,
j'en récolte que des soucis, 
été comme hiver)

ayen ifuten, yemut… 
(le passé est mort...)
 
lexyal b-wayen ifaten
kul iḍ yeţţased ar γuri,
i εawen-iyi deg met’awen
γef ayen i sεedda yidi,
yuγal seg wid yemuten
yeγab γef allen
yak fateγ-t, ifat-iyi…

(Le spectre du passé, 
chaque nuit me rend visite, 
pour pleurer ensemble, 
sur le temps révolu, 
le temps qui a rejoint les morts, 
le temps éteint et disparu, 
il est le passé pour moi, 
comme je le suis pour lui)

acuγer knan-t tuyat-ik ? 
(pourquoi tes épaules sont-elles voutées ?)

acuγer knan-t tuyat-iw ?
bezaf i εebant n lxiq,
tezga felli taεkwemt-iw
ur di yeεawen dges werfiq,
at senγas di lǧǧehd-iw
tesendaf ul-iw
teǧǧad acḥal d-iceqiq…

(Mes épaules sont voutées ?, 
elles ont trop longtemps porté l'angoisse !, 
Une charge qui ne m'a jamais quitté, 
qu'aucun compagnon n'a voulu partager, 
celle qui a abîmé ma santé, 
et blessé mon coeur, 
pour y laisser des scissures)
 
acuγer teţţγimiḍ γer yiri lkanun ? 
(pourquoi es-tu toujours près du feu ?)
 
ur di yeqriḥ usemmiḍ
ḥemelγ ad walliγ times,
a yixef-iw ad teţţmektiḍ
ayen akw ig cuban γures,
tεeǧǧb-ik a-ţţ-teţţwalliḍ
lemer dges teγliḍ
ma tsumak-id, ak teqes…

(Je n'ai point froid, 
j'adore observer le feu, 
pour que me revienne en mémoire, 
tout ce qui lui ressemble, 
je me plais à le contempler, 
de près, 
au risque de me brûler)
 

berka, εyiγ deg usteqsi
ur saεḍ d-acu di yuγen…
iγeblan d-yerzan γuri
ala yidi d-nuγen,
ugwiγten, bγan-iyi
la ţţnadin felli
nudan-iyi-d, ufiγten…

(assez ! ça suffit les questions, les pourquoi et comment !, 
je n'ai rien et je suis bien...
ces problèmes sont les miens, 
nul d'autre que moi ne les intéresse, 
je les ai répudiés, ils me désirent, 
ils me cherchent, 
ils m'on vraiment cherché !, 
et j'ai fini par les trouver...)

Transcription kabyle : Icerfan (Source)