vendredi 30 mai 2008

Thalla - Fabula

Ce post est à thématique agraire comme le précédent, on va y aborder la valeur du champ.

Fabula
Durant notre enfance d’écoliers il fut un fançais de génie que nous aimions tous: LaFontaine, Jean de Lafontaine. La fable du «riche laboureur» nous était déjà familière par notre culture oû il est question d’un «vieux et sage laboureur», fable racontée par nos mères respectives. Dans la variante kabyle le laboureur en plus d’inculquer la morale «le travail (du champ) est le trésor» il exhorte ses fils à ne pas partager leur champ qu’il leur laisse en héritage et leur enseigna que «l’union fait la force» tiges de bois à l'appui pour la métaphore. C’est dire que cet «apport positif et civilisationnel» de l’école de Jules Ferry a servi d’abord à deux choses: à valider notre version du terroir de la fable en question et à adorer ce génie français du nom de Lafontaine (la fontaine = thalla en kabyle) et ses fables oû l’on pouvait se reconnaître sans se confondre. Des années plus tard j’éprouvais les mêmes sentiments en lisant (en russe) à mon enfant les contes des frères Grimm (des allemands) tant j’étais frappé par la ressemblance avec ce que ma mère nous racontait quand nous étions des enfants. Le monde est petit. Bien sûr que Lafontaine a été précédé par d’autres avant le 17 siècle et qu’il a repris Esope de la Grèce antique, le romain Horace et le grec Phèdre de la période romaine; mais Lafontaine lui-même a été repris, en compagnie d’Esope, par Krylov le russe au début du 19 siècle. Tous ont d’une manière ou d’une autre contribué à perpétuer la sagesse de l’humanité. Lafontaine évoquera toujours une émotion vive et positive pour ceux qui en ont fait sa connaissance durant leur enfance.

Le travail est le trésor
«Le laboureur et ses enfants»
Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,

Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
«Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage

Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l’oût:
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.»
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout : si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché.
Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,

Que le travail est un trésor .
– Jean De Lafontaine –

Le champ est le trésor
La relation champ-trésor est très nette pour le kabyle (berbère en général, héritier du libyque). En plus de la sagesse des aïeuls, ça se confirme linguistiquement: la racine de [g.r] de champ (i-ger) se retrouve dans la racine de trésor a-geruj [g.r]+ suffixe «zh» ou j. Simple concidence? Oh que non! Cette morale «travail (de champ) = trésor» est le fondement même de la société paysanne kabyle, du moins avant son érosion ces dernières années à cause des moeurs guétoulo-aziatiques imposées par les usurpateurs.

Lexique et étymologie
Fable: latin fabula de fari = dire
En grec μύθος [mythos]= fable, mythe
Lexique kabyle :
i-ger = champ
a-geruj/a-geruzh [a- article masc.sing., g spirant ] = trésor. Vous le retrouverez en patronyme arabisé el-gueroudj (g occlusif, dj à la place de j). En sémite-arabe trésor = kenz, d'oû les patronymes et prénoms empruntés en kabyle, par exemple Kenza.
a-ghrum = pain. Sans doute terme générique à l’initial pour désigner pain/céréales, etc...
a-gershal/a-gwurshal = son de blé
a-gherval = tamis, sas, crible. Interférence avec le sémite-arabe gherbal. Si l’on suppose que le «v» serait à l’origine un «f» ou tout simplement sa mutation phonétique ; on aurait a-gherfal avec [gh.r.] + [f.l.] qui dans ce cas attesterait [gh.r.] = pain et céréales en général + [f.l.] = troué ou maille (flu = trouer, perforer) ou trié (flal) pour info le couscous travaillé à la main pour avoir un grain plus fin se dit fthel (affiner/raffiner le grain), tha-fthilt (affinage). Ce mot a-gherval répond à tous les critères du lexique berbère. En sémite-arabe tamis = gherbal, munkhel, minsafa. A mon avis le terme interférent gherbal ne peut provenir que du phénicien et ne colle pas du tout avec l’arabe gherba, gharib = étranger/étrange; par contre leur autre mot minSafa atteste une certaine logique Safi = propre donc raffiné/affiné.
a-gerfa, tha-gerfa = corbeau
a-jervuv = loque, épouventail (en anglais scarecrow: scare=effrayer + crow=corbeau). Possible que ce mot soit a-agerfuv à l’origine.
a-geris/a-gris = gel
a-graw = assemblée, forum. Quelle relation avec le grec agora surtout que le champ grec aghros (agro) est proche du champ kabyle i-ger?
n'ger = extinction de lignée, extinction, dégénération, extermination, fin (fin du monde: n'ger n dunith); verbe/participe enger = ne pas avoir de descendance/ruiné; verbe senger = exterminer, éradiquer

a-gerzi/a-gwurzi = talon. Y a-t-il relation avec le champ i-ger? "La terre aux talons du paysan"!
/a-gerthil/tha-gerthilt = natte. Quelle relation avec le champ i-ger ou son produit?

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