dimanche 4 mai 2008

Les fofrères Katmaziroff

Ce post est dédié à un oeuvre grandiose de notre grand philosophe et poète Lounis Ath Menguellet (Aït-Menguellet). Ce qui va suivre n’est bien sûr que mon interprétation personnelle. En réalité la poèsie dans cette chanson rappelle d’une certaine manière la philosophie de Dostoevsky dans son oeuvre monumentale «Les frères Karamazov» et notamment «la légende du grand inquisiteur» qu’elle contient. Il ne s’agit pas bien sûr de comparaison, loin s’en faut, mais pour moi personnellement la poèsie, plutôt la philosophie de Dda Lounis dans cette chanson en question («Ali dh Ouali») est d’une certaine manière sur la même lignée de celle de Dostoevsky. C’est mon avis personnel, un point c’est tout. Pour l'anecdote Dostoevsky avait introduit la notion ou l'appelation "russkiye mallchiki" soit "les (jeunes) garçons russes", ou "arrash n'Russ" en kabyle, pour décrire ses jeunes compatriotes tout le temps en quête de meilleur sort pour leur pays, en quête de spiritualité, de Vérité, de Dieu, bref des jeunes penseurs. Aït-Menguellet à ma connaissance est chez nous le seul à utiliser l'expression "arrash l'Kvayel" soit "les (jeunes) garçons kabyles" avec le même sens que le grand maître russe. Dans cette chanson il s'agit de quatre compagnons et non de quatre frères, ils ne sont pas confrontés à une épreuve ( la "minute de vérité" de Dostoevsky) mais à chacun sa destinée. Chez nous on n'est désignés "frères" que par la propagande étatiste ou religieuse. D’oû ce titre:
Les faux-frères Quatre-Mazir'off

Les personnages
Les 4 personnages: Ali et Ouali + Muhand (Mohand) et M’hend. Les prénoms choisis: noms « religieux» , musulmans donc d’origine arabe mais berbérisés. Pour la petite histoire Karamazov est un nom composé de kara = noir mot emprunté au turc utilisé à la place du russe chiorny (vous voyez que nous ne sommes pas les seuls à emprunter aux asiatiques) et du mot russe maz' (onguent, coloration), en kabyle ça aurait donné averkan et ighma, Karamazov aurait été ath-ighmavarik ou ath-ighmaverkan. Ce sont donc deux noms de prophètes musulmans, sans doute les plus répandus. Ali est Ali, Ouali vient de U’Ali soit "fils de Ali" ; de Mohamed vient Muhand c’est un prénom très répandu chez les kabyles et finalement M’hend est une déformation de Muhand mais avec signification de M’hend = intelligent, malin, rusé (M’hend ushen = M’hend le renard).
Il n'y a pas de dialogue entre les quatre, il n'y a pas de recherche de consensus. Il y a le tyran Ali qui veut imposer sa vision des choses par les armes quitte à saigner le pays et à sacrifier des enfants, il le fait en ayant recours au support des deux hypocrites et opportunistes Muhand "le négociant" et Ouali "le scientifique". Remarquez que Ali "le guerrier" et Muhand "le négociant" ont une chose en commun: ils sont contents de leurs destinées et sont reconnaissants envers Dieu, alors que rien n'est dit de tel sur le poète M'hend et le scientifique Ouali, peut-être Ouali serait-il un athée et M'hend, le plus sain des quatre, un agnostique ou un vrai croyant sans zèle. Voici à mon avis quelques traits de caractères des personnages:
Muhand: marchand, négociant, commerçant, usurier, influent, pragmatique, mercantile, opportuniste, spéculateur, matérialiste, hypocrite, complice, vassal, servil, bourgeois, optimiste, mécène, superficiel, sans personnalité, sans morale, l'opulence et le corps, adepte du dieu Mercure, "n'a pas résisté à la tentation du Grand Inquisiteur" (aurait conclu Dostoevsky!).
Ouali: scientifique, manipulateur, politique, influent, irresponsable, hypocrite, servil, vassal, complice, matérialiste, réaliste, athée, sans personnalité, sans morale, girouette.
ALI: le démon par excellence, le "colonel", autoritaire, abruti, truand, bandit, guerrier, scélérat, féroce, cruel, égoiste, violent, imposteur, anarchiste, pseudonationaliste, intégriste, nihiliste, extrémiste, terroriste, vassal, ne reconnaît que la force des armes, il s'impose et les hypocrites sont ses serviteurs dont il utilise les ressources (commerçant, politique), mort et désolation il sème, disette et famine pour son pays, il est le diable en personne, le "Mal absolu"
M'hend: l'âme et la conscience des humains, symbole de morale, le poète, le philosophe, le croyant en le Créateur, il incarne l'intelligence et la spiritualité, sincère, patriote, le témoin, l'observateur, le conseiller, le sage, le consolateur, l'ami du peuple, l'éducateur des générations futures, le salvateur.

Texte translittéré, comme d’habitude sur ce blog, en kabyle traditionnel et non pas en kabyle conventionnel
Introduction
Ali dh ouali dhi rfiqen
Aken idukulen
mugrend Muhend dh Mhend.
akeni dhi rvaa kemlen
la-ts’mrafaqen
ami senga vghen wbudhend
zzin dh’agraw qimen
la-ts’mestheqsayen
Igeni yelli’yasend

Prélude
y’ellid igenni ghef sin
edhwent th’ghaltin
theghlid thekthavth ger’asen
thakthavth ger’asen

uzlen ghers anwa ats y’awin
jemaan thiwriqin
ferqent’ent dhi rvaa yidhsen
dhi rvaa yidhsen

mi hefdhen thimusniwin
idha’isen di’ghlin
ddunith yisen ith ???
huwb ay’adho!

Muhand ihfedh tjara
Ali dh’lgerra
ferhen es’thukshi Rebbi

Ouali y’dem leqraya
Mhend dhi sefra
farqen wa y’suwb, wa y’ulli

1. Muhand
1.1
Mohand y’estagh y’eznuzu
ys’hfedhasen tjara iwiyadh
simal dhi rveh irenu
iaash am gellid ur yts’ghadh

ashhal tha, awid tha, edjiyi tha
yewbid ayellas ula seg’uvladh

1.2.
y’ervah netsa revhen wiyadh
kra wbi iden dhi’ldjaras iaash
ur yella ukham asemadh
dhi dewlas iy’erwan wu’arrash

aghed wa, ezenzed wa, anfas iwa
yidhes ddunith ur th’sewhash


2. Ouali
2.1 prélude
Ouali y’edem leqraya
thakthavthis thelHa
eth’sahithid ar dha ats y’esgher
ar dha ats y’esgher.

aghran wu’arrash ki id y’enna
win yezwern yghra
y’ewbedh ka y’evgha ath iZer
huwb ay’adho!

2.2. refrain
anidha-then widhni ileqmen thamusni
anidha-then widh yesfedhn alen i’lghashi

2.3.
a’ghrigh, y’eghra, th’eghra
n’eghra mkul amkan
a’Zrigh, y’eZra, th’eZra
n’eZra mkul zman

a’ddigh, y’edda
th’eddam aken yuwk eddan
u’figh, y’ufa
th’ufam ayen akni iy’ufan

3. Ali
3.1. prélude
Ali dh lgerra ig hfedh
dhi thmura y’ferredh
y’etsadja lmuth dhi lathris
lmuth dhi lathris

dh revrav senga y’ewbedh
dh laruah ig qebedh
s lumqahel dh laskaris
huwb ay’adho!

3.2. refrain
lloZen wu’arrash almi muthen
muthen wu’arrash imi lloZen

Ali mi ig hfedh lgerra
adhrar y’erath dh lowdha
y’erad rsas am leHwa
y’engha wa ay’vnun
wa ay’Huden yella

3.3.
y’eqares wa dhayella negh
ilaq anemeth,
ilaq anemeth

nek levghiw ar’dha ath’awdhegh
ma dh kunwi nnagheth
ma dh kunwi nnagheth

wa ay’Huden yella,
wa ay’vnun ulash
muthen merra,
gujlen wu’arrash

3.4.
thekker thymes usan - udhan
arsas dhavruri
arsas dhavruri

saarqen iy’itij amekan,
anidha iy’ghelli
anidha iy’ghelli

wa ay’Huden yella,
wa ay’vnun ulash
muthen merra,
gujlen wu’arrash

3.5.
snulfud leslah ajedhidh
a Ouali ghiwel!,
a Ouali ghiwel!

a Muhand lgerra thezzidh
zenzed lumqahel,
zenzed lumqahel

wa ay’Huden yella,
wa ay’vnun ulash
muthen merra,
gujlen wu’arrash

4. M’hend
4.0. prélude
y’ekerd Mhend dha fenan
thakthavth is’fkan
thes’hefdhas adh y’esefru
ardhadh y’esefru!

y’esefray ghaf ayen y’edhran
ghas chant wurfan
mi zegdhen ardhi shenu,
ardhadh y’shenu!

sw’allen iZer yir usan
y’estarathen elHan
ldjarh af y’ers athihlu
Huwb ay’adho!

4. 1. refrain
sver a-mmi ma the’lozedh
yewbas levghik at’awdhedh
oh ! shfu-kan dhashu ik yughen

aterwuDH ma ath imghoreDH
thelHa lmehna ma th’ghreDh
yelHa lsas awbi itmehnen

4.2.
sver win ithid y’snulfan
ur y’eghlidh dhi leshavis
thasusmi win tsinudhan
adh iZer theswa lheqis

limer adinigh ayen illan
thasardhunt adth’arew mmis

4.3.
is’dreghlagh wayen y’edhran
almi nugadh a muqel
n’tskukru win idh n’myusen
khas am nuwkni ig ederghel

limer adinigh ayen illan
ghas igeni adh y’emwpiwell

4.4.
susmen widhen iwallan
amzun la ts’radjun thalwith
yughal l’hsedh igh y’enghan
ishuva lwahsh n’targith

ur deqaragh ara ayen illan

amar ats’sugh ddunith

_______________________________________

Vrac traduction au français, en attendant une vraie traduction et adaptation littéraire.

Ali et Ouali sont copains
Allant toujours ensemble
Ils rencontrèrent Muhand et M’hend
A quatre ils continuèrent leur chemin
Se tenant compagnie
Jusqu’au jour oû ils atteignirent leur destination
Ils se mirent en cercle
et tenirent assemblée
Le ciel s’ouvra pour eux (révélations)

Le ciel s’ouvra en deux
La lumière innonda les crêtes
Le «livre» leur tomba du ciel
Le livre de leurs destinées

Ils coururent qui le premier à s’en saisir
Ils ramassèrent ses feuilles éparpilleés
Ils les divisèrent entre eux
A quatre ils les répartirent

Lorsqu’ils assimilèrent les connaissances
Qui leur tombèrent du ciel
Le monde était désormais à leur portée.
Souffle, oh grand vent !

Muhand apprit le commerce
Ali l’art de guerre
Tous deux heureux et reconnaissants envers Dieu

Ouali a choisi la science, le savoir
M’hend – la poèsie, la philosophie
Sur ce ils se quittèrent chacun prenant son chemin

1. Muhand
1.1
Muhand est dans le négoce
Il a appris aux siens les vertus du commerce
Chaque jour augmentent ses émoluments
Il mène une vie de prince, il n’est pas à plaindre

Combien coûte ça, achète ceci, réserve celà
Il a tiré profit des affaires les plus désespérées

1.2.
Il vit l’opulence et la partage avec les siens
Tous ses partisans connaissent la bonne fortune
Chez lui pas de traces de foyer froid ou de pauvreté
Son pays est celui oû les enfants sont rassasiés

Vends-ça, achète–ceci, garde–celà
Sous sa conduite ce monde ne fait pas peur


2. Ouali
2.1 prélude
Ouali a pris la science et le savoir
Sa part du «livre» est donc bonne
Le devoir lui incomba de répandre ce savoir
Sa science il doit l’enseigner

Les enfants ont appris le savoir de sa bouche
Les pérséverants et les bons élèves
Etanchèrent leur soif de Lumières et en tirèrent profit.
Souffle, oh grand vent !

2.2. refrain
Oû sont passés les maîtres du savoir ?
Oû sont passés les maîtres de la pensée ?

2.3.
Je suis instruit, comme lui, comme elle
Nous le sommes tous et partout
Je détiens le savoir, comme lui, comme elle
Nous le détenons pour toujours à travers le temps

J’y ai adhéré, comme l’autre l’a fait
Vous y avez adhérés comme les autres l’ont fait
J’en ai tiré profit comme il en tire
Vous en tirez profit comme ils en tirent

3. Ali
3.1. prélude
Ali a appris l’art de guerre
Son art est de dévaster les pays
Il sema la mort sur son chemin
La mort et la désolation sont ses traces

Il sema la terreur partout oû il alla
Monstre et scélérat il tua nombre d’âmes
Féroce et fort qu’il était en soldats et en armes.
Souffle, oh grand vent !

3.2. refrain
La famine a emporté des enfants
Les enfants sont morts de faim

Ali dès qu’il apprit l’art de guerre
Il rasa les montagnes pour faire plat
Il ne faisait que parler la poudre et la subtitua à la pluie
Il extermina tous les bâtisseurs
Et ménagea les démolisseurs

3.3.
Ce pays nous appartient, fût sa conviction
Il faut se sacrifier pour,
Il faut se tuer pour

Moi mon but par le combat je l’atteindrai
Je vous laisse vous entredéchirer
Chamaillez-vous en paix mais sans moi

De destructeurs le pays en regorge
De bâtisseurs il en reste point
Ils n’ont pas survécu au massacre
Les enfants sont orphelins

3.4.
Le feu (la guerre) brûle sans répit
Les balles sifflent comme de la grêle
Les balles comme de la grêle

Ils (guerriers) firent que le soleil se désorienta
Le soleil est désorienté
Le soleil ne sait plus oû se coucher

De destructeurs on en regorge
De bâtisseurs il en reste point
Ils n’ont pas survécu au massacre
Les enfants sont orphelins

3.5.
Invente pour moi une nouvelle doctrine
Eh, Ouali presse!,
Eh, Ouali que ça saute!

Eh Muhand la guerre bat son plein
Fournis-moi des armes
Des armes et vite !

De destructeurs le pays en regorge
De bâtisseurs il en reste point
Ils n’ont pas survécu au massacre
Les enfants sont orphelins

4. M’hend
4.0. prélude
M’hend a grandi en artiste
Telle fût sa part du «livre» (destinée)
Le «livre» qui lui apprit la poèsie
Qui lui apprit à raconter la vie en poèmes

Il composait ses vers sur le quotidien de ce monde
Malgré tous ses tourments qui le rendaient coléreux
A sa colère il remédia par le chant
Le chant fut son remède contre le malheur

Sous ses yeux les tragédies défilent
Il en fait des fables
Capable qu’il est de guérrir les plaies
Souffle, oh grand vent !

4. 1. refrain
Endure la faim mon fils
Un jour tes voeux seront exaucés
Oh ! seulement souviens-toi de ton passé

Tu mangeras à ta faim une fois grandi
La soufrance est une bonne épreuve
Elle offre de bonnes bases pour l’avenir

4.2.
Celui qui inventa la patience
Ne s’est pas trompé dans ses calculs
Le silence, qui le recherche comprendra,
Vaut son pesant d’or

Si je racontais la réalité telle quelle
La mule risque d’accoucher

4.3.
La tragédie nous a aveuglés
On se cache les yeux pour ne plus la voir
Nous nous méfions de notre proche
Même si lui aussi est une autruche

Si je racontais la réalité telle quelle
Le ciel risque de s’ébranler
4.4
C’est la loi du silence, le mutisme des témoins
Qui attentdent dans leurs coins que la tragédie débouche sur la paix!
L’hypocrisie qui nous a atteint
Ressemble au monstre qui hante notre sommeil

Je ne dirai rien sur la réalité telle quelle
Peut-être la terre (monde) révoltée le criera un jour

Ecouter cette chanson sur DailyMo, merci à son auteur "nomade_c"
première partie


deuxième partie

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