V.4 : Les barbares
Les kabyles s'indignent lorsqu'ils sont victimes de l'amalgame. Les kabyles - et beaucoup d'algériens aussi- sont indignés quand on les traite d'arabes. Les kabyles se sentent stigmatisés et indignés à juste titre par l'appelation "les berbères", avec sa connotation péjorative "barbare"...
Les "arabes" et les berbères ne feraient qu'un...pour les kabyles ! Vous allez comprendre pourquoi...
Les héllènes
Albert Camus avait raison de comparer la Kabylie à la Grèce, c'était une inspiration divine qu'a eu ce français d'Algérie qui a lui seul a tout compris et saisi ce qu'était l'Algérie alors que la puissance coloniale se refugiait dans les poncifs de l'usurpateur.
Chez les grecs de la cité d'Athènes on distinguait les citoyens grecs de la cité (Athènes) des étrangers (métèque, xénoï, barbare), même les macédoniens étaient appelés "barbares". Métèque était l'étranger établi dans la cité (Athènes) et qui parle le grec; xénoï était l'étranger de passage dans la cité; et finalement, le barbare était l'étranger absolu: il vit loin de la cité et ne parle pas le grec.
Les kabyles
Les kabyles ont perdu leurs cités il y a longtemps, cependant ils ont reproduit le même système dans les villages (démocratie, toponymie). En Kabylie on différencie les habitants de la Kabylie entre "les kabyles" QVL désigne les citoyens kabyles laïcs, les "imravdhen" qui sont des religieux ou pieux dirigés par des religieux (de nos jours ils sont musulmans) et les "aklan" les esclaves. Pour ce qui est des étrangers, le kabyle utilise le mot "aveRani" pour l'étranger ou étranger de passage dans la cité/le village (qui peut être un kabyle ou kabylophone); le terme aghrib pour l'émigré et immigré; le terme aaRav pour l'étranger absolu car étranger au pays kabyle et à la culture/langue kabyle: c'est par le terme "arabes" que les kabyles désignent leur entourage en Afrique du Nord.
A celà il faudra ajouter que les termes aghriv, aaRav et aaziv (Laaziv) sont utilisés en toponymie kabyle; comme on l'a dit dans le post du mois de mars "Pélagie" le terme "Arabe" pour un kabyle donnerait "qlq'un d'étranger à la cité/village kabyle qui serait venu de province - périphérie en grec-", de l'autre côté la frontière ou limes. En clair:
varvaros (barbare) chez les grecs = âaRav "arabe" au sens de "provincial" chez les kabyles
Xénoï chez les grecs ~ probablement âazib ou Isolé voir Exilé chez les kabyles
Métèque chez les grecs ~ aghriv ou aghrib "immigré, émigré" chez les kabyles
Citoyens vs Barbares
Autrement dit, le terme "aaRav" en kabyle (son équivalent grec est varvaros "barbare") n'a rien de péjoratif pour les kabyles car il reflète une notion rationnelle, topographique et ensuite une relation socio-culturelle. Le terme QVL lui-même pour les citoyens laïcs de la cité/village kabyle aurait le sens de "capitale, capitole, cité" ou plus vraisemblablement QVL de kabyle serait comme CVL de civilis, civis pour "citoyen, citoyen de la cité".
Kabyle = civil = citoyen de la cité/du village kabyle.
aâRav = "non-citoyen kabyle", étranger à la cité/village kabyle ne parlant pas le kabyle et venu de la périphérie/province. La toponymie kabyle nous aidera à déterminer exactement le sens de aaRav ou barbare chez les grecs.
Autrement dit, je suis prêt à affirmer que le terme grec barbare (aaRav chez les kabyles) ne désigne pas spécialement "qlq'un qui n'est pas civilisé" mais simplement "un étranger à la cité habitant très loin de cette cité ou du centre". Le gars du 93 est un barbare (aaRav) pour celui qui habite le centre de Paris, sauf qu'aux temps modernes ils ont la même citoyenneté/nationalité et parlent la même langue...mais pas le même langage :)
Cité - Clé - Egypte
Remettre les clés de la cité... Et oui, la notion de Cité serait liée à la notion de Clef. Cité, citoyen, civil, civilisation seraient liés à Clé. Les anciens égyptiens aussi avaient leurs barbares. Le mot Egypte - version grecque composé à partir du nom de la divinité égyptienne Ptah "celui qui ouvre"- serait lié à la notion de Clé, Ouverture.
Relation probable (à étudier): Clé - Egypte = Civil (citoyen, cité) = Kabyle
La ville ou la Cité est Ouverte à ses Citoyens/Civils (village kabyle ouvert aux kabyles pour nous) mais les Portes de la Cité sont fermés aux Barbares, aux étrangers. Les chinois aussi avaient leurs barbares, avec leur Cité interdite. Les romains, la cité de Rome avait ses barbares ou non-citoyens. De nos jours le terme "barbare" a une connotation péjorative détestable qui ne relète aucunement son originé étymologique de la haute antiquité chez les grecs de la cité d'Athènes. Les macédoniens étaient des barbares pour les athéniens car la Macédoine était à la périphérie, loin d'Athènes et les macédoniens n'étaient pas des citoyens de la cité d'Athènes; celà ne signifie aucunement que les macédoniens = sauvages/brutes non-civilisés, sinon on comprendrait difficilement la suite de l'histoire (héllénisation ou "athénisation" des macédoniens à commencer par Alexandre le Grand).
Berbères - Arabes
Désormais il m'est impossible en tant que kabyle de désigner le Kabyle, un kabyle par le terme "berbère" (ce serait comme le traiter d'aaRav qui pour le kabyle est ce qu'est varvaros -barbare- pour le grec !). Si la confusion perdure en Afrique du Nord pour "berbère = arabe" c'est aussi de notre faute à nous les kabyles qui traitons tous les étrangers à la Kabylie de "aaRav" ou Arabes ! Les invasions du 7-13 siècles par les arabes, les vrais cette fois, ceux d'Arabie, n'ont fait qu'aggraver la confusion identitaire en Afrique du Nord. Compliquée la vie...
P.S
En réalité le mot aaRav ou sa forme altéré "âRab" chez les kabyles est exactement la réplique de HBR de l'hébreu pour les anciens égyptiens avec la même signification "d'étranger de l'autre côté du fleuve ou de la frontière". Hébreu est d'ailleurs dit en sémitique-arabe "âbr" (âbriya pour hébraïque), chez le kabyle c'est verlanisé en "ârab". C'est à dire que Hébreu de l'ancienne Egypte = Arabe pour le kabyle pour désigner "l'étranger".