samedi 20 février 2010

Mazafran 2

De zéro-sifr, de chiffres et donc de commerce!

Les racines kabyles phR/FR, VR et ZR sont avec notre système de toponymie les meilleurs outils pour nous réapproprier notre patrimoine et retrouver notre identité.

Mazaphran
Ce post fait suite au billet Mazafrane de novembre 09. On avait entre autres dit que le nom Feraoun et le toponyme mazphran sont proches par leurs racines. En réalité on va simplifier les choses avec la fomule du jour:
ZR ~ ZFR et plus largement SR~SFR; djR ~ djFR
Pour mémoriser c'est un peu comme zéro-sefro/sifr. Ou simplement retenez l'équivalene Mazafran = Mizrana, un toponyme chenoui et un autre kabyle. Donc il s'agit d'un ph/F caché entre le Z emphatique et le R roulé. Et nous allons voir comment.
Le toponyme mazafran décrit un lieu bien précis, un fleuve ou une rivière dans l'ouest algérois. Une rivière ou fleuve c'est en kabyle asif, assif qui prononcé plus hard serait a-zif ou a-zef. Le nom mazafran contient ce zef/sif de rivière ou fleuve. Il est envisageable que le mot a-sif/a-zef (rivière, fleuve) soit un nom court et amputé de la terminaison en R, donc a-sif/a-zef pourait être a-sifR/a-zefR. Et cette terminaison en R est attestée pour autre cours d'eau i-ghZeR (torrent, ruisseau, cours d'eau).
ighZeR, ygheZaR ~ ighesaphr, yghezafr
On voit très bien cette racine sphr - zfr pour les cours d'eau, Mazafran est un toponyme très évocateur et ô combien utile pour l'étymologie kabyle (mazigh en général).

Branches
Il faut rappeller qu'en toponymie kabyle, mazigh nord-africaine les noms ont souvent été arabisés sur la forme sans changer leur consistance. On rencontre très souvent "sefra" dans la variante arabe-algérienne come Aïn Sefra (en arabe asfar, sefra = jaune) alors qu'en kabyle ce F est aspiré entre S et R (Z et R, dj et R) comme dans ighZeR (ighzefr) ou leynSaR altéré en âaïnSaR (source fraîche située impérativement près d'un cours d'eau-rivière-fleuve). Ce aïnSaR avec le F prononcé donnera âïnSeFR qui aura une consonance arabe. Pour nous départager avec les camarades sémites arabes au sujet de ce lexique proche il suffit de rappeller la divinité principale, le mythe fondateur kabyle et mazigh anZaR "maître des sources, des rivières et des fleuves". Mais c'est à autre chose qu'on va s'intéresser aujourd'hui.
Ce F rétabli donnera jafR, djafR à la place de jaR, djaR (voisin), idem en arabe al-djar, ça nous lie au mot kabyle jifeR (pans, giron) qui atteste on ne peut mieux la proximité. Le sémitique-arabe n'a rien de tel, donc incohérence encore une fois!
Vous savez que FR en kabyle donne le sens de "feuille" (végétaux) + "aile", "voler" (fly). Les poissons n'ont pas d'ailes mias des branchies. Eh bien pour l'anecdote branchies en russe c'est jabry, pour le kabyle il est à peu près sûr que branchies doit être un mot contenant la racine FR, un mot proche de yeshefaR, leshefaR (cils). Branchies donc on parle de branches, d'arbres.
TsejRa (arbre) et TsejaRa (commerce) en kabyle sont des emprunts à l'arabe al-sadjara (arbre) et al-tidjara (commerce) vous dites? Eh bien vérifions à la lumière de cette formule ZR~ ZFR avec le F rétabli ici entre j et R.
TsejRa ~ TsejepheRa, tsejefRa: on voit bien ypher, pher de feuille/aile en kabyle. En arabe il n'y a rien de pareil car feuille se dit warqa et aile se dit djanah, totalement à côté de la plaque et l'origine étymologique de l'arabre tsejRa ne peut être arabe. Alors qui a emprunté à qui? Quant au mot commerce on verra une autre fois, supposons jusqu'à preuve du contraire que notre tsejaRa est un emprunt à l'arabe al-tidjaRa, ils en connaissent le commerce ces camarades, alors laissons leur cet avantage...

Toponymes
La combinaison de ces deux racines kabyles ZR et phR/FR pour avoir ZFR, SFR nous seront utiles pour déchiffre nos toponymes. D'abord il y a lieu de constater que ce F est aspiré pour les toponymes kabyles et plus généralement à l'est d'Alger (la partie Numide d'autrefois) alors que ce F est prononcé à l'ouest (la Maurétanie d'autrefois) soit à cause de l'influence arabe soit c'est une particularité régionale, Mazfran en pays chenoui à l'Ouest équivaudrait à Mizrana en pays kabyle à l'Est. Il faut prendre les toponymes kabyles avec la racine ZR, donc oû le F est aspiré, pour mieux comprendre de quoi il est question:
a-miZuR (en fr. Amizour): il aurai été amezafr à l'ouest. Idem pou aZRU (ighil bouzRu), haïzeR, thazRaRth, etc...
D'autre part les toponymes de lieux ou de régions commençant ou se terminant par F ou V seraient probablement incomplets. Le M'Zab ou amZaV serait amZaFer (variante "maurétanienne" de l'ouest) ou amZaR (variante "numide" de l'est, kabyle). Sidi Feruch ou sidi F'Redj serait sidi zefRedj ou sidi sefradj (variante "maurétanienne") ou avec le S rétabli et le F aspiré Sidi Saridj (variante "numide") qui est idem à saridj (djema saridj en Kabylie). Le nom kabyle Feraoun aurait été Sefraoun à l'ouest. On constate la même chose pour les noms des "arabes" algériens, Tafraoui à l'ouest (Oranie) devient à l'est sans le F Traoui ou plutôt Draoui. Le nom kabyle Derouaz aurait été à l'ouest Defraouaz, Tafraouaz. C'est pour vous dire que cette racine nous permet de marquer les frontières entre les régions, probablement la frontière entre l'ancienne Numidie et l'ancienne Maurétanie.
Pour terminer une réflexion sur le sifr, zéro. Cette racine ZR éclatée en ZFR ou SFR indique beaucoup de choses, il faudra vraiment réfléchir pour retrouver la trace du 0 (zéro) dans cette racine. Une autre fois donc!