lundi 14 avril 2008

Schengen Shangal

La chute du mur de Berlin a réjoui beaucoup de monde et peu d’entre eux à l’époque pouvaient imaginer à quel point le monde va être divisé à peine une décennie plus tard et que les cordons remplaceront les murs. Les pays riches s’unissent pour s’enclaver et se cacher des moins riches, des pauvres, des moins civilisés, des «barbares», bref des indésirables. La forteresse aux US ou l’espace Schengen en Europe n’acceptent que les désirables. Le phénomène se répand aux autres régions du monde. A liberté et diversité on a substitué adversité. Mais le thème de ce post est linguistique et concerne un autre cordon, un autre nœud, un autre piège: l'impasse Shangall. Le mot aShengall (ou aShangal) m’est revenu en mémoire après avoir écouté une chanson de Lwenas (Matoub Lounès) intitulée «ashangal y’ezzi».

aShangal
Il fût un temps oû chaque enfant en Kabylie savait poser un Shangal, un piège en forme de cordon disposé en nœud coulant pour attraper des oiseaux (les étourneaux s’y font prendre le plus facilement) ou du gibier. Idem en Russie ou le shangal est appelé silok, en France oû il est appelé lacs (prononcer la) et ailleurs. Quand un oiseau est pris au piège shangal il se débat longtemps pour finalement s’étrangler. C’est triste comme cela ressemble au quotidien de milliers d’êtres humains. Un peu d'humour pour remédier à la tristesse: aux Ath-Duala oû le "L" se mute en "ï" ce mot serait prononcé a-shangal par certains ou a-shangaï par d'autres...zut! en chinois Shangaï est en fait prononcé proche de Shankhaï alors pas la peine d'avoir peur du piège chinois et des chinois!



Shengell
1) Le verbe actif (préfixe s ou sh) qui en derive est shengell (à l’impératif) qui signifie non pas se débattre mais «faire débattre», agresser qlq’un ç-à-d secouer fortement son adversaire en l’attrapant fermement par le col. C’est triste comme cela ressemble au quotidien de milliers d’être humains qui sont agressés dans leur âme et que l’on secoue pour définir s’ils sont désirables ou indésirables. 2) Le verbe Shneg ou Shnig = ignorer, s'en foutre, boycotter (ur shnig'egh ara = je m'en fous, ça ne m'agite pas =au sens= ça ne me fait ni chaud ni froid). En réalité Shneg est la forme radicale, sévère, dédaigneuse du verbe Shleg (ur shligegh ara) le sens étant le même sauf qu'un être poli dira toujours Shleg (shlig). On retrouve ce verbe sous une autre forme (mutation?): Shqa comme dans y shqa'k = laisse(-le) tomber!, ignore/oublie (le), n'y prête pas attention.
Pour l'anecdote le mot toponymique néerlandais Schengen quand on le prononce en kabyle shengen signifie ils tiennent compte ou ils ne s'en fichent pas.

Nœud
Puisqu’on parle de nœud on va voir son étymologie. Nœud vient du latin nodus. En grec nœud = κόμπος [kobos] , nouer = κομποδένω [kobodheno] ; ficelle, ficeler = δένω [dheno].
Si vous avez lu le post concernant le delta libyque (lettre fondamentale) vous comprendrez ce qui suit; sinon je rappelle que le delta libyque dh se mute notamment en DH emphatique, en dT t emphatique, en d comme le D latin. En kabyle nouer = neDH . Le d se retouve aussi dans andi (prononcer an’di) = piéger, poser un piège. Mais c’est le mot neDH qui est le plus intéressant. J’y reviendrai plus tard avec un deuxième post sur le delta libyque (géométrie, affixes, etc..) mais déjà je peux vous dire que le DH emphatique dévoile au moins quatre sens : le noyau (dans les verbes préfixés de n, s notamment), l’horizon (pour les suffixes aDH dans les noms communs), la liaison ou l’union et l’unité de mesure. Eh bien sûr on verra si interférences/relation il y a entre le mot latin nodus (nœud), le mot grec (racine inverse DN) ficeler = δένω [dheno] et le verbe kabyle/berbère nouer = neDH.


Suffixe aL
J’espère que vous avez lu le post sur le L libyque «nos deux parallèles». Le suffixe aL dans aShangal signifie « vers le haut, ouvert » comme aL de source (thalla) au contraire de uSH qui signifie « étroit, fermé, très petite ouverture» comme dans aqemush (fine bouche). Comme d’habitude on va se baser sur les noms communs au singulier masculin (langue de réf.: kabyle) pour vérifier.
adhal = algue, lentille d’eau
agurshal [g spirant] = son (de blé)
akuval [k spirant] = maïs
aqeshual = hotte, panier conique porté sur le dos


ashval = amphore (d'huile ou autre) suspendue. Voi aussi thasevalt ou thasebalt = jarre, amphore (d'eau) posée au sol.
aqlal = uvule
ashangal = lacs [la]
awal = parole, mot
azal = valeur, prix
azal = plein jour (soleil au zenith). Voir dheg’zzal = durant la journée, diurne
uzzal = fer

urgal = figue précoce, qui mûrit avant les autres.

Exemples analysés:
agurshal : le suffixe ici nous incite à penser qu’il signifie volatile, suspendu (dans l'air = en haut), légereté.
aqeshual : en bàs (préfixe) q indique un cône, en haut le suffixe indique l’ouverture, grand orifice.

Quant à l’exploitation de ces infos pour synthétiser des noms communs, des verbes, des adjectifs, etc...on fera ça d'ici quelque temps. Patience.

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