dimanche 24 février 2008

Zemmour

Aujourd’hui la recherche d’informations et d’images sur internet peut parfois vous amener à découvrir des choses et des personnages que vous ne cherchiez pas forcément. Les moteurs de recherche en un clin d’oeil vous sortent des milliers de pages ayant rapport au «mot clé» introduit, suivant le «rating» de popularité de tel ou tel website. Eh bien voilà, j’ai tappé «zemmour» et je vois une réponse prédominante : Eric Zemmour. Eric Zemmour sur toute la ligne. Moi je cherchais «zemmour»-olivier et là on ne me propose qu'eric, encore eric et rien qu’eric...ça n’était pas le zemmour que je chechais mais il faut faire avec. Et pendant qu’on y est, voici en quelques lignes mes réflexions suite à cette «recherche guidée».

L’olivier
L’olivier (a-zemmour en berbère, article mas.sing. «A» indisociable) revêt une symbolique toute particulière quasi-religieuse pour un berbère, plus particulièrement pour un kabyle. Comment l’expliquer aux autres? Le zemmour est pour moi bien plus que ce que représente le cèdre pour le levantin, la berioza (le bouleau) pour le russe ou l’érable pour le canadien. Le zemmour, l’olivier bien entendu!, est le symbole du peuple auquel j’appartiens, il est pour moi ce qu’est la ménorah au juif (un de leurs symboles prophétiques), pas moins que ça. Vous ne le trouverez sur aucun drapeau des pays nord-africains, ni dans leurs temples et pour cause! Vous ne le trouverez même pas sur les drapeaux et les emblèmes des nationalistes, des plus fiers des berbéristes. Mais il est bien là notre zemmour, bien ancré dans la mémoire du peuple. Le zemmour a résisté à toutes les épreuves à travers les siècles, il a sauvegardé notre identité face aux pressions cananéennes et sémites d’un côté, et latines de l’autre. Son étymologie même (racine ZM) signifie vitalité et puissance, ça n’est pas pour rien que le lion s’appelle «i-ZeM» en kabyle. En fait il n’ a cédé, linguistiquement parlant, que pour son produit fini: l’huile est appellée «ziit», emprunt au sémitique qu’utilisent même les kabyles qui commercialisent avec leurs voisins. Les algériens arabophones, de l’algérois par exemple, disent le plus souvent «ziit kbayel» –huile kabyle- pour désigner l’huile d’olive. Ne serait-ce pas justice de retouver le mot berbère initial pour désigner l’huile (d’olive)? Pourquoi ne pas utiliser le mot «u-Dhi» (beurre en kabyle) pour désigner en même temps le beurre et l’huile, comme le font les slaves et en particulier les russes («maslo»=beurre, huile) et plus proche encore de nous, nos frères berbères libyens de Nefoussa qui désigneraient l’huile et le beurre par le même mot «uDhi», un mot berbère par excellence. Pour la petite histoire en grec, auquel j’essaye de m’entrainer, l’huile est appellée λάδι/ladhi et le beure βούτυρο/voutiro.
Le zemmour est à l’image du peuple kabyle: l’huile est «zitée»-assimilée, soudoyée par le commerce. Le beurre lui peut fondre à tout moment. Il ne reste plus que l’olivier pour conforter nos âmes.

Zemmour
A propos d’huile d’olive et de beurre. Ou plutôt d’Eric Zemmour et de ses propos sur le beurre, sorry, sur les beurs et les autres. Franchement ce qui ce passe en France m’intéresse peu parce que même ayant la culture je suis tout simplement loin de ce «milieu francophone» , en plus de ça je suis de l’autre côté de l’Europe et donc je ne suis l’actualité française/francophone que rarement et souvent indifférement. Depuis le début du troisième millénaire ce pays, la France, pays très beau d’ailleurs auquel je n’ai aucune arrière-pensée malgré les séquelles laissées par le passage de leur Etat en terres berbères, devient de moins en moins sympathique et ces dernières années je n’y suis le plus souvent que de passage. Faut-il vraiment croire à la décadence de la «culture française» annoncée par les perfides et les ricains? Il est clair que dans ce monde globalisé la France n’est plus La référence. De là à dire que la culture française va disparaître pour laisser sa place à la «french lux & gastro’culture» c’est aller vite en besogne. Toujours est-il que ces derniers temps de «consommation & communication de masse» la France m’est personnellement devenue de moins en moins sympathique, toutefois sans que j’éprouve de l’antipathie. Revenons à nos oliviers. Donc en découvrant Eric Zemmour j’ai un peu investigué sur lui à travers le net, dailymotion notamment. J’ai cherché à savoir quel intellectuel c’est, façon de «juger» s’il «mérite» vraiment son nom «vital». Eh bien mes impressions sur le personnage sont assez bonnes: «il n’est pas bête, c’est sûr » comme on dirait chez nous, il est un beau parleur énergique, un hyperactif, un energizer (apparement c’est un phénomène de mode en France), et tout un tas de vertus. Bon ce qu’il dit est à consommer en France par les français, donc moi ça ne me concerne pas, je suis juste curieux. Mais quand j’entends Eric Zemmour traiter sans ménagements des sujets difficiles et ses jugements parfois cyniques, je me dis qu’il doit s’appeller non pas Zemmour mais ziit, zitouni, zeïtun. Ce qu’il dit des beurs ne me concerne pas normalement puisque je ne suis ni beur ni fromage mais plutôt zemmour-caviar, avec ou sans vodka. Mais là j’apprends qu’Eric Zemmour aurait publiquement déclaré sur ITV que «l’on ne peut rien faire contre le cours de l'Histoire et que l'injustice du sort réservé aux berbères et aux kabyles est irrémédiable». Là je me sens concerné et consterné. Et surtout sidéré et dégouté par ce genre de discours obscène de celui qui comprend tout, de celui qui a réponse à tout (il aurait fait carrière dans la grande distribution, la religion ou la politique) et de celui qui annonce les verdicts sans appel, l’huissier de la vérité, la fausse bien sûr. Il me rappelle le zampolit* soviétique sauf qu’Eric Zemmour cuisine des consommateurs à la place des soldats et officiers, et sert on ne sait quels intérêts au lieu de ceux du PC. Je ne sais pas comment qualifier de tels propos comme celui-ci tenu par ce critique qui fait du cinéma, de «bavardages de phrasiste» sans doute; il ne mérite que le péjoratif russe «kritikun», soit «critiquoune» ou critiquouille si vous préférez. Intervenir d’une telle façon sur un sujet qui devrait normalement ne pas lui être indifférent, s’il a une âme bien sûr, revient à cautionner et à justifier l’usurpation. Il ne fait que répeter ce que l’Etat français avait fait en terres berbères au 19 et 20 siècles, aux kabyles notamment : le massacre identitaire pour parachever le massacre tout court. Ils sont allés jusqu’à nous désigner «arabes» et nous imposer des patronymes étrangers, façon de nous chepteliser àfin de faciliter la tâche à leurs bergers. Ils nous ont volé nos terres et même nos patronymes. Celui là aujourd’hui veut tout simplement anéantir nos maigres espoirs à l’instar de ces concitoyens d’antan qui ont détruit notre généalogie. Les noms que nous portons aujourd’hui reflètent amplement cette déchirure. J’ai toujours envié mes camarades, mes copains de classe qui avaient un vrai nom, un nom qui reflétait leur identité, un nom berbère. Je suis toujours triste aujourd’hui de ne pas pouvoir remonter mon ascendance au delà de 1871 et de ne pas avoir un nom propre. On en reparlera des patronymes prochainement mais pour le moment finissons d'abord avec notre olivier. Est-on en droit après cette offense de demander à monsieur Eric Zemmour de changer de patronyme, de rendre zemmour à l’olivier?


Verdict: oui, ça mérite sanction. Autant le canaaniser et l'appeler désormais Eric Zeytoune.

________________
* Zampolit: mot russe, «zam» de zamestitel = adjoint (au commandant), «polit» de politika = politique. Dans l’armée russe-soviétique le «zampolit» était le commandant-adjoint délégué par le parti politique dans chaque unité du corps d’armée, dans chaque caserne, à des fins de propagande iédologique. Il était responsable de l’idéologie et veillait à la loyauté politique (donc au parti communiste au pouvoir) des officiers surtout mais des soldats aussi.

Aucun commentaire: