Poésie belle, Poète généreux
La poésie est certainement le genre littéraire le plus démocratique et le plus noble en même temps. Il est d’abord accessible à tout locuteur de génie sans parcours académique. Ensuite ce genre est noble ne serait-ce que par sa fonction de «véhicule» de sagesse à travers les siècles mais surtout il permet de donner ses titres de noblesse à la langue. Alors pour qui veut faire vivre sa langue et la développer le meilleur moyen est d’encourager les poètes. La poésie est la condition sine qua none à la renaissance d’une langue.
Ayant l’avantage de connaître d’autres langues que l’héritée, en l’occurence le berbère de Kabylie ou le kabyle, j’ai le privilège et la chance d’apprécier le talent de poètes de peuples très différents et je suis profondément convaincu que c’est bien la poésie qui donne sa «profondeur» à la langue. A mon goût la poésie russe est nettement plus «profonde», plus naturelle, plus intéressante et plus riche que la poésie française par exemple. Par rapport à ma langue natale hélas on est très loin de ces deux langues, langues d’état et de grandes nations, avec les moyens qui vont avec des siècles et des siècles. Néamoins la poésie populaire kabyle, si elle est comparée aux poésies populaires (celle de la rue) et non pas aux poésies académiques, n’a vraiment pas de quoi rougir.
Je ne suis pas un littéraire et mon objectif n’est certainement pas de faire des comparaisons mais de montrer, à moi même d’abord, la beauté de la langue kabyle à travers un poéme, plutôt une chanson du regretté maestro Lwennas Maâtob dont la générosité «de chanter le peuple» est palpable à travers presque toutes ses chansons. Il n’a pas oublié la veuve et l’orphelin, même le veuf y est. La chanson en question est «Tighri ou goujil», soit le cri de l’orphelin. D’abord la musique est un grand classique de «chaâbi» kabyle, ensuite la performance vocale est à la hauteur du sujet dramatique et enfin le poéme est tout simplement très beau. Il raconte le désespoir d’un orphelin brisé par la mort de sa mère, anxieux pour son avenir, déçu par son père qui s’est depuis remarié, ce qui le pousse à quitter la demeure paternelle.
La chanson contient 4 couplets, chacun portant un sens particulier. Lwennas entonne le début de chaque avec un quatrain (rimes plates ABAB) d’une beauté extraordinaire! Au premier couplet (1) l’ophelin s’adresse au père pour lui annoncer son départ en exil et les raisons qui l’ont poussé à franchir ce pas qui signifie la rupture avec le père. Au deuxième couplet (2) l’orphelin crie son désespoir et fait serment de deuil pour l’éternité. Au troisième couplet (3) l’orphelin fait la «promesse de mémoire», de rendre visite à la tombe de sa mère. Au quatrième et dernier couplet (4) c’est la mère qui de l’au-delà rapelle son fils à la raison et à son devoir en le suppliant de prendre soin de sa sœur, de pardonner son père et de lui prêter main forte.
En somme, à mon humble avis, une chanson emblématique de Lwennas qui n’a jamais chanté «les seigneurs» mais le peuple. En juste il a défendu le peuple, la veuve et l’orphelin. Son poéme est tout simplement époustouflant, la beauté de la langue kabyle prend ici une dimension rarement égalée ailleurs. Aux amateurs d’apprécier!
Ecouter cette chanson mise en ligne aimablement par le site DzMusique en cliquant sur le lien ci-dessous, ensuite clicker en bas de page pour écouter, lorsque le player s’affiche sur « tighri ugujil», le 5ème titre en partant du haut.
La poésie est certainement le genre littéraire le plus démocratique et le plus noble en même temps. Il est d’abord accessible à tout locuteur de génie sans parcours académique. Ensuite ce genre est noble ne serait-ce que par sa fonction de «véhicule» de sagesse à travers les siècles mais surtout il permet de donner ses titres de noblesse à la langue. Alors pour qui veut faire vivre sa langue et la développer le meilleur moyen est d’encourager les poètes. La poésie est la condition sine qua none à la renaissance d’une langue.
Ayant l’avantage de connaître d’autres langues que l’héritée, en l’occurence le berbère de Kabylie ou le kabyle, j’ai le privilège et la chance d’apprécier le talent de poètes de peuples très différents et je suis profondément convaincu que c’est bien la poésie qui donne sa «profondeur» à la langue. A mon goût la poésie russe est nettement plus «profonde», plus naturelle, plus intéressante et plus riche que la poésie française par exemple. Par rapport à ma langue natale hélas on est très loin de ces deux langues, langues d’état et de grandes nations, avec les moyens qui vont avec des siècles et des siècles. Néamoins la poésie populaire kabyle, si elle est comparée aux poésies populaires (celle de la rue) et non pas aux poésies académiques, n’a vraiment pas de quoi rougir.
Je ne suis pas un littéraire et mon objectif n’est certainement pas de faire des comparaisons mais de montrer, à moi même d’abord, la beauté de la langue kabyle à travers un poéme, plutôt une chanson du regretté maestro Lwennas Maâtob dont la générosité «de chanter le peuple» est palpable à travers presque toutes ses chansons. Il n’a pas oublié la veuve et l’orphelin, même le veuf y est. La chanson en question est «Tighri ou goujil», soit le cri de l’orphelin. D’abord la musique est un grand classique de «chaâbi» kabyle, ensuite la performance vocale est à la hauteur du sujet dramatique et enfin le poéme est tout simplement très beau. Il raconte le désespoir d’un orphelin brisé par la mort de sa mère, anxieux pour son avenir, déçu par son père qui s’est depuis remarié, ce qui le pousse à quitter la demeure paternelle.
La chanson contient 4 couplets, chacun portant un sens particulier. Lwennas entonne le début de chaque avec un quatrain (rimes plates ABAB) d’une beauté extraordinaire! Au premier couplet (1) l’ophelin s’adresse au père pour lui annoncer son départ en exil et les raisons qui l’ont poussé à franchir ce pas qui signifie la rupture avec le père. Au deuxième couplet (2) l’orphelin crie son désespoir et fait serment de deuil pour l’éternité. Au troisième couplet (3) l’orphelin fait la «promesse de mémoire», de rendre visite à la tombe de sa mère. Au quatrième et dernier couplet (4) c’est la mère qui de l’au-delà rapelle son fils à la raison et à son devoir en le suppliant de prendre soin de sa sœur, de pardonner son père et de lui prêter main forte.
En somme, à mon humble avis, une chanson emblématique de Lwennas qui n’a jamais chanté «les seigneurs» mais le peuple. En juste il a défendu le peuple, la veuve et l’orphelin. Son poéme est tout simplement époustouflant, la beauté de la langue kabyle prend ici une dimension rarement égalée ailleurs. Aux amateurs d’apprécier!
Ecouter cette chanson mise en ligne aimablement par le site DzMusique en cliquant sur le lien ci-dessous, ensuite clicker en bas de page pour écouter, lorsque le player s’affiche sur « tighri ugujil», le 5ème titre en partant du haut.
http://www.dzmusique.com/Album-Kenza.php
Les paroles transcrites en «français» (pas en kabyle conventionnel):
(1)
Sfarhits inàss dhayen infa
Yeffid oudhedi
Khàs ldjerh ur yehla-ara
Dhisin asthafem amdhawi
Asmi mi tchigh yemmà
Ezregh yidékh nemseffrà
(bis)
Ismikx dheg’miw avava
L’vennas our dets’ghimi
Mi aâqel agous g’emma
Thalsed thayedh dhi thmaghra
(bis)
Felli ethgav thafrara
Dhisin our netsemlili
(2)
Thetsefriwiss essowra
Lefraq dhamqenin
Tskukrough avridh n’talla
Mara magragh thoulawin
Mi ig’ozzaf yiwen ayemma
Etsmektha’yeghd azzeka
(bis)
Ik mi jemaân lebdha
Amkx ar aqadmagh lesnin
Imi oulach’ikem ayemma
Ma oubdhàghd izouadj azeka
(bis)
Mouhal atedhro thmaghra
Aken vghan meden ad’inin
(3)
Our tsàdjagh idhmim, ouzou
Am-dhlon thamam
Adh vedagh i’lward adh’yefsou
Ayid yetsadder essifàm
Khas adh yeqsih ounevdhou
Af meden adh yizidh wôrghou
(bis)
Adh vedagh i’lward adh yehiou
Seth-hemal an’rough fellàm
Ma âatlagh ardjou magou
Adhariw gharm ad’yejvou
(bis)
Adha men-vedagh af’qerrou
Aken vghoune qeshith laâwam
(4)
Ay’ammi hadher oueltmak
Our ts’tsadja-ra
Nadhits ma yella th’aârqak
Fellawen ith’chwedh thassà
Our tsloumou dhi vavak
Fahmith esneqsas lehlak
(bis)
Iaâoueq our youfi leslak
Assmi th’senhal thiytha
Maken mechtouhedh/mezziyedh issnaâthak
Les paroles transcrites en «français» (pas en kabyle conventionnel):
(1)
Sfarhits inàss dhayen infa
Yeffid oudhedi
Khàs ldjerh ur yehla-ara
Dhisin asthafem amdhawi
Asmi mi tchigh yemmà
Ezregh yidékh nemseffrà
(bis)
Ismikx dheg’miw avava
L’vennas our dets’ghimi
Mi aâqel agous g’emma
Thalsed thayedh dhi thmaghra
(bis)
Felli ethgav thafrara
Dhisin our netsemlili
(2)
Thetsefriwiss essowra
Lefraq dhamqenin
Tskukrough avridh n’talla
Mara magragh thoulawin
Mi ig’ozzaf yiwen ayemma
Etsmektha’yeghd azzeka
(bis)
Ik mi jemaân lebdha
Amkx ar aqadmagh lesnin
Imi oulach’ikem ayemma
Ma oubdhàghd izouadj azeka
(bis)
Mouhal atedhro thmaghra
Aken vghan meden ad’inin
(3)
Our tsàdjagh idhmim, ouzou
Am-dhlon thamam
Adh vedagh i’lward adh’yefsou
Ayid yetsadder essifàm
Khas adh yeqsih ounevdhou
Af meden adh yizidh wôrghou
(bis)
Adh vedagh i’lward adh yehiou
Seth-hemal an’rough fellàm
Ma âatlagh ardjou magou
Adhariw gharm ad’yejvou
(bis)
Adha men-vedagh af’qerrou
Aken vghoune qeshith laâwam
(4)
Ay’ammi hadher oueltmak
Our ts’tsadja-ra
Nadhits ma yella th’aârqak
Fellawen ith’chwedh thassà
Our tsloumou dhi vavak
Fahmith esneqsas lehlak
(bis)
Iaâoueq our youfi leslak
Assmi th’senhal thiytha
Maken mechtouhedh/mezziyedh issnaâthak
iverdhan yefghan fellak
(bis)
Thoura thezidd dhenouvakx
Our ts-koukrou s’djoudjgass thamà
La vrac-traduction au français, ci-dessous :
(1)
Qu’elle (la marâtre) se réjouisse, dis-lui «ça y est, il est parti»
L’abcès est crevé
Même si la blessure/plaie n’est pas guérie
A vous deux de lui trouver soigneur (= remède)
Le jour oû j’ai enterré ma mère
J’ai compris qu’entre toi et moi c’est la rupture
(bis)
Ton nom sorti de mes lèvres, mon père
N’aura plus désormais le goût (=la résonnance) d’antan
Quand je vis le corset de ma mère
Porté par l’Autre le jour de la fête
(bis)
L’aurore (=lueur d’espoir) a disparu pour moi
Plus jamais nous ne serons ensemble
(2)
Je frissone de tous mes membres
La séparation est ô combien amère
Je crains le chemin de la fontaine
Et les femmes que j’y croise
Chaque fois j’entends quelqu’un heler sa mère
Me revient en mémoire ta tombe (>ta mort)
(bis)
Qui t’as ravie pour l'éternité
Comment vais-je affronter l’avenir
Puisque tu n’es plus, ma mère
Même le jour oû je convolerai en noces
(bis)
Impossible pour moi de lever le deuil
Quoi que disent les gens (=l’entourage)
(bis)
Thoura thezidd dhenouvakx
Our ts-koukrou s’djoudjgass thamà
La vrac-traduction au français, ci-dessous :
(1)
Qu’elle (la marâtre) se réjouisse, dis-lui «ça y est, il est parti»
L’abcès est crevé
Même si la blessure/plaie n’est pas guérie
A vous deux de lui trouver soigneur (= remède)
Le jour oû j’ai enterré ma mère
J’ai compris qu’entre toi et moi c’est la rupture
(bis)
Ton nom sorti de mes lèvres, mon père
N’aura plus désormais le goût (=la résonnance) d’antan
Quand je vis le corset de ma mère
Porté par l’Autre le jour de la fête
(bis)
L’aurore (=lueur d’espoir) a disparu pour moi
Plus jamais nous ne serons ensemble
(2)
Je frissone de tous mes membres
La séparation est ô combien amère
Je crains le chemin de la fontaine
Et les femmes que j’y croise
Chaque fois j’entends quelqu’un heler sa mère
Me revient en mémoire ta tombe (>ta mort)
(bis)
Qui t’as ravie pour l'éternité
Comment vais-je affronter l’avenir
Puisque tu n’es plus, ma mère
Même le jour oû je convolerai en noces
(bis)
Impossible pour moi de lever le deuil
Quoi que disent les gens (=l’entourage)
(3)
Je ne laisserai pas l’aubépine, le genêt
Couvrir ton coin (=dernier refuge)
Je veillerai à ce que des roses y fleurissent
Elles me rappelleront ta beauté
Aussi aride soit l’été
Aussi brûlant soit-il pour les hommes
(bis)
Je veillerai à ce que les roses vivent
Arrosées par le flot de mes larmes
Si je suis en retard, patiente jusqu’à Mai
Mes pieds me ramèneront vers toi
(bis)
Je viendrai pour sûr, je serai à tes cotés
Quelles que soient les circonstances
(4)
Oh, mon fils! prends soin de ta sœur
Ne l’abandonne pas
Cherche après elle si tu l’as oubliée
Que pour vous deux brûle le foi (=le coeur bat)
N’en veux pas trop à ton père
Comprends sa peine, ne lui en rajoute pas
(bis)
Coincé il n’a pu trouver d’issue
Abattu par ce dramatique coup du sort
Durant ton enfance/adolescence
Il t’a guidé et montré les droits chemins
(bis)
Maintenant c’est à toi le tour
N’aie crainte, sois à ses cotés (= prends soin de lui)
Je ne laisserai pas l’aubépine, le genêt
Couvrir ton coin (=dernier refuge)
Je veillerai à ce que des roses y fleurissent
Elles me rappelleront ta beauté
Aussi aride soit l’été
Aussi brûlant soit-il pour les hommes
(bis)
Je veillerai à ce que les roses vivent
Arrosées par le flot de mes larmes
Si je suis en retard, patiente jusqu’à Mai
Mes pieds me ramèneront vers toi
(bis)
Je viendrai pour sûr, je serai à tes cotés
Quelles que soient les circonstances
(4)
Oh, mon fils! prends soin de ta sœur
Ne l’abandonne pas
Cherche après elle si tu l’as oubliée
Que pour vous deux brûle le foi (=le coeur bat)
N’en veux pas trop à ton père
Comprends sa peine, ne lui en rajoute pas
(bis)
Coincé il n’a pu trouver d’issue
Abattu par ce dramatique coup du sort
Durant ton enfance/adolescence
Il t’a guidé et montré les droits chemins
(bis)
Maintenant c’est à toi le tour
N’aie crainte, sois à ses cotés (= prends soin de lui)
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