Que diriez-vous de quelqu’un qui ne connaît pas l’appellation des quatre points cardinaux dans sa langue natale. Ou qui pensait ne pas les connaître. En cherchant à me renseigner sur le web sur ce sujet, je n’ai rien trouvé de convaincant et j’ai compris que je n’étais même pas le «premier homme» qui sans aucun doute connaissait bien les apellations de ces quatre fameux points. Ce qui est troublant c’est qu’à un moment donné j’ai même été persuadé que ces appellations...n’existaient pas dans ma langue communautaire. Communauté de perdus dans l’espace, et puis c’est vrai le monde et le Créateur nous ont oubliés. Mais une fois ces «doutes de paresseux» dissipés, je me suis logiquement mis à fouiller dans ma mémoire pour me rappeller comment est-ce qu’appellait-on là oû je suis né les quatre points cardinaux. Premièrement ça aurait été impossile que ce peuple d’agriculteurs et d’arboriculteurs, utilisant un calendrier agraire, n’ait pas pensé à nommer à ces quatre «phases» du soleil qui réglémentait leur vie. Donc il m’a parû plais raisonnable de me pencher sur cette question solaire du point de vue du paysan et non pas celui de l’astronome. Vu la toponymie oû ce peuple s’est réfugié, c’est à dire les flancs de l’Atlas, depuis les temps de «la plaine interdite» le paysan s’orientait d’abord selon l’ensoleillement des versants. Logique, non? Là je tiends les premiers indices: amalu (amalou) pour le versant ombragé et assamer pour le versant ensoleillé. Ombragé ou ensoleillé, oui mais à quel moment de la rotation et de la révolution de la terre, à quelle latitude? Le matin, la journée ou l’après-midi, l’hiver ou l’été, etc...? Une chose est claire : ces appellations des versants, donc des lieux, doivent être «constantes», c’est à dire avoir la même signification que les points cardinaux. Seulement voilà le paysan est plus «terre à terre» et ne se voit pas dans l’espace et encore moins en navigateur. Il interprète à sa manière les «appellations» selon leur utilté dans la vie quotidienne. Primo lorsqu’il bâtit il doit en tenir compte pour l’orientation de sa maison, sachant qu’il n’avait aucune baie vitrée à orienter vers le sud, aucun comble vers le nord, etc... comme il est de coutume de procéder aujourd’hui en Europe. Secundo, encore plus important, lors des partages des terres, sachant que la propriété privée est sacrée chez le kabyle sa terre et ses arbres sont sa seule richesse, les meilleures terres avec les meilleurs arbres sont le plus souvent, c’est logique!, sur le versant ensoleillé assamer. Une déduction s’impose: les familles qui aujourd’hui possèdent des terres (et des arbres) sur l’assamer sont celles qui sont arrivées les premières sur ces lieux sachant que peu de transactions achats-ventes ont eu lieu dans ce coin perdu du monde. Inutile de faire un dessin: amalu indique le levant = EST, et assamer le soleil culminant = SUD. On va vérifier d’ailleurs. En faisant un peu de «gym» je réussis à me remémorer mon village d’origine et à placer ces «amalu» et «assamer» dans l’espace en les comparant à ce que je vois sur la carte: notre amalu «regarde» vers les Ath-Yirathen = l’EST sur la carte; notre «assamer» est à 90° par rapport à l’«amalu» et correspond au SUD sur la carte. Donc la vérification a topographiquement confirmé mon hypothèse. Par rapport à l’étymologie de ces deux mots il faudra dire quelques mots. L‘amalou («Amalu») viendrait-il du ver MeL, se pencher, virer. En l’occurence ici le soleil allant vers le sud se «penche» sur la droite de l’horizon pour l’observateur qui regarde le levant. Etymologiquement justifié donc «amalu=est»? Oui, probablement. Je reste toujours perplexe aux paroles de la chanson d’IDIR « ...thamazirt umalu, ahmimich abudali... » Avoir à cultiver une thamazirt du côté amalu c’est vraiment de l’infortune ! Passons à «assamer». Ce mot devrait être composé du mot « ass » (jour, lumière abondante donc, plein soleil) et d’un autre mot ou suffixe « a-Merr», peut-on le rapprocher du mot «merra»** (=tous)? Il faut voir les spécialistes mais je mets ma main sur le feu que «assamer» signifierait jour-plein ou plutôt le «plein jour», le soleil qui culmine! Donc etymologiquement «assamer = sud» est justifiée.
Une fois déterminés ces deux points, je dûs me rendre à l’évidence qu’il fallait se remémorer les deux autres points cadinaux, les opposés. Et là je découvre deux choses très, très intéressantes. D’abord le nord. Notre nord regarde direction Tizi-Ouzou, il est appellé «vörra», que tout kabyle du terroir prononcera «vowrra» plus souvent que «vourra» à la manière des «civilisés» (les influencés par la langue à 3 voyelles!). Donc notre NORD s’appelle Vörra, là oû il n'y pas ou presque pas de soleil, donc les terres moins précieuses (en arbres), les moins chères, qui en réalité sont quasiment toutes la propriété des familles dernières à s’y installer. Mince, c’est vrai par rapport à mon village du moins. Maintenant attachez vos ceintures, on passe à l’étymologie de ce mot. Non, d’abord par une découverte fortuite: je conaissais le Nord latin, le sever russe, etc...mais voilà que je découvre qu’en grec le Nord s’appelle Βορράς, soit Vorras! Avec l’article il s’écrit «Ο Βορράς» (o vorras) et équivaudrait à notre «a vörra» (on dit toujous vörra, sans article). Drôle de coïncidence, n’est-ce pas ? Etymologiquement je n’arrive pas à percer ce mystèrieux mot «vörra ou vourra» (avec une «a» courte à la fin). Peut-être «Vou=le détenteur de...quelque chose» pour désigner une caractéristique de ce point sans soleil . Les esprits «illuminés», des «raccourcistes» plutôt, diront Vou –Ra ou Rê = le détenteur du soleil. Mais disons stop!basta! au n’importe quoi!. D’abord quand on parle du nord, il faut oublier le soleil et parler du vent, Rra est peut-être le vent (glacial) du nord, qui peut le savoir ? Ou si nous savons que le suffixe "ura" qui signifie la négation (comme pas en français), donc dans Voura donnerait = pas de V, c'est quoi V alors? En toute logique «vörra = nord» est topographiqument justifié mais étymologiquement douteux à moins que ce soit un prêt à une autre langue (le grec ou une langue méditerranéenne antérieure). Maintenant passons au dernier point, à savoir l’ouest. Eh bien au même village, le côté opposé de l’est «amalu», l’ouest donc, s’appelle «agomadh», mot qui signifie aussi «l’autre rive» et il y un torrent « igzer » bien sûr dans le coin (la montagne ne change jamais) qu’il faut traverser pour aller vers l’ «agomadh»! Mais qui me dit qu’il y a là contradiction «autre rive/ouest»? Les émmigrés du village (comme tous les kabyles) appellent bien la France (et l’Europe en général) «agomadh», oui je sais c’est au nord par rapport à nous, mais c’est bien de l’occident qu’il s’agit! D'oû une autre formule plus adaptée: «autre rive/occident». Qui me dit qu’autrefois «agomadh» ne signifiat pas la même chose pour désigner l’ouest et l’autre rive. Supposons que j’ai raison, mais alors qui habitait sur «l’autre rive à l’ouest» des berbères? Allez, un peu d’imagination et voilà: ou bien ce sont les Iles Canaries ou bien un autre continent, les Amériques, ou même l’Atlantide, ha-ha!. C'est gênant les homonymes? Vous vous rappellez comment dit-on «traverser(une rive)/sauter (un cours d'eau?» Aezger. Le taureau (le boeuf) est aussi Aezger. Hmm, ça viendrait pas de «l’art» de sauter par dessus les taureaux? Quand on saute terrestrement, une haie, un obstacle ou au jeu «saut de mouton» on dit Negueaz. Pour l’Atlantide vous n’êtes pas convaincus? Non, d’accord! moi non plus. Voyons l’étymologie de ce mot «agomadh». Il s’agirait d’un mot composé probablement, hérité du berbère archaique je parie. Peut-être «agö = brouillard + madh=?» ou «agö + ma + dh» (brouillard+si/quand+dh ou adh = sera/fera). Bon, il faut voir avec les spécialistes moi ce mot me fait chier parcequ’il m’a le moins convaincu. Donc à probabilité moyenne notre «agomadh» = Ouest.
Je résume donc :
Nord: vörra
Est: amalu
Sud: assamer
Ouest: agomadh
N’allez pas me dire que j’ai tort avec vos baratins « assamer = l’est» (avec comme seul argument les «sumers» «shoumères» viennent du levant. Vous êtes hantés par les sémites, ils vous empêchent de réfléchir!)
Pour la petite histoire en grec:
Nord = (o) Vorras. Il y a aussi le terme katavorros (κατάβορρος) = exposé au vent du Nord.
Est = (i) Anatoly
Sud = (o) Notos
Ouest = (i) Dhyssi*
*si on le lit avec l’article «iDhyssi» ça fait presque «idhyss» berbère de kabylie: côté, (avec verbe, s’allonger, se coucher (exemple : ewethits af y idhyss). Comme quoi si le mot «agomadh» ne convient pas, on pourrait demander aux gentils grecs (ils nous ont jamais fait la guerre ces démocrates valeureux!) de nous accorder le leasing de ce mot «i Dhyssi» pour désigner le dernier point cardinal, l’ouest à jamais disparû des mémoires berbères!
** rappel sur "assamer": pour la petite histoire, le "jour" se dit en grec μέρα = MERA (η μέρα/i mera, avec l'article). Alors ?!
Maintenant pour les curieux, en russe :
Nord: Sever, indoeuropéen, en référence au VENT du nord et donc aucun rapport avec le soleil
Est: Vostok, slave, préfixe vos "débuter, se lever", mot voshod «le lever» du soleil, donc vostok ~ levant
Sud: Youg, origine très discutée
Ouest: Zapad, slave, préfixe Za «entrer, rentrer» + Pad "tomber, chuter". Zapad, oû le soleil tombe ~ couchant
En voulant élucider le mystère berbère/kabyle des quatre points cardinaux je ne me suis pas fixé d’autre objectif que celui de satisfaire ma curiosité.
« Eh bien! n’y crois pas, mais réfléchis au moins... »
Fiodor Mikhaïlovicth Dostoevsky
21 janvier 2008.
Dda Stayevski.
Fils de Mohand Arezki.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire