mercredi 16 janvier 2008

La Mat, le Klach et l’humilié

L’handicap et l’handicap.
Il était un homme handicapé à tel point qu’il ne pouvait ni combattre, ni fuir la haine. Il était donc obligé de la subir. Son espace vital, son dröm, était envahi chaque jour par des hommes bruyants en «treillis». Ils venaient de plus en plus nombreux. Les francs-méchants version «jumelles». Le blocus. Le napalme. Ceux des siens que leurs jambes pouvaient porter se sont enfuis vers les pavés, ceux que leurs esprits ne pouvaient lâcher ont préféré le maquis. Les indifférents et les insoucieux ont choisi de ne rien faire. Il ne restait plus que les telluriques trop atachés à leur point d’ancrage. Ils ne restait que ceux qui ne pouvaient marcher d’eux-mêmes. Les accablés par la gravité terrestre et la gravité tout court. L’homme à la toge blanche était de ces derniers. Le seul homme à l’accueil, à répondre de tout - et de quoi, bon Dieu?! – devant une rangée de «Matés». Le préposé à la Mat, la poire du para. Oui il devait donner les noms, les caches et que sais-je encore, de tous les absents surtout les fauves qui ne sortaient que la nuit tombée. Des absents qui n’avaient pas tort. Malmené, bousculé, térrorisé par la meute à la Mat, l’homme à la toge blanche tente de relever sa jambe en usant de sa canne, ses yeux verts voient noir. « Alors, oû sont les fauves? Tu sais bien oû sont les fauves, n’est-ce pas?» lui demanda-t-on. L’homme à la toge blanche avait le tort de n’avoir jamais connu la langue franche, l’opportunité ne s’etait pas présentée durant ces siècles de fuite toujours plus loin, toujours plus haut du dröm de l’homme à la toge blanche, aux yeux verts et aux deux handicaps. Soudain il se rappella qu’il connaisait deux mots de cette langue «oui» et «non» et il choisit de dire «non». Mauvaise réponse et l’homme à la toge blanche roula dans la poussière, il sentit la crosse de la Mat mais pas ses gémissements. Plus tard il revint à ses esprits et comprit qu’il était seul, son calvaire etait términé, pour aujourd’hui. Car demain, peut-être après-demain il en sera de même. L’homme humilé décida que la prochaine fois il donnera une autre réponse, le deuxième mot de son lexique: «oui», fasse le Créateur que le salut vienne de ce mot et peut-être les démons à la Mat le gracieront. Mais ceci s’avérera la deuxième mauvaise réponse. Ainsi dura le calvaire de l’homme à la toge blanche aux deux handicaps.

A toi Dda (je dirai pas ton nom), (j'espère que tu es toujours de ce monde), à celui qui moi petit enfant je croisais sur mon chemin sans jamais omettre de te dire bonjour, je voudrais te dire que je te dois à toi ma persévérance juvénile dans l’apprentissage de la langue salutaire. Je voudrais te dire mon respect profond car tu n’as jamais trahi ta terre et ton dröm. Ton cousin le fauve que tu savais caché sous la paille derrière les mules à quelques mètres du lieu oû l’on t’interrogait, le jour oû l’on t’enleva ton varnus, ta toge blanche, mais toi tu persistais «non, non, non... », connaissais-tu d’autres mots ?. Ton cousin le fauve releva ton honneur bafoué, ta toge était désormais plus blanche que jamais. La voûte celeste portée par l’atlante, le varnus par tes épaules, je voudrais saluer la grandeur de ton âme, ô l’homme à la toge blanche.


Memoria
L’homme à la toge blanche perdera sa compagne deux décennies plus tard par la faute des «blouses blanches». Encore deux décennies plus tard, la peste est de retour, et l’homme à la toge blanche perdera son fils cadet sauvagement assassiné par les «chumers» armés, ces nihilistes à la Klach et à la hâche. Telle est la triste histoire de l’homme à la toge blanche.


_____
"la Mat" : Le Mat 49, fusil français des années de braise
"le Klach": La Kalachnikov, fusil d’assaut russe AK-47

Aucun commentaire: