Quand on naît Kabyle, peuple spolié au fil de l'histoire et dont l'espace vital s'est réduit comme une peau de chagrin, peuple retranché et dos au mur du majestueux Jurjura, on hérite non pas d'une petite maison dans la prairie mais forcément d'une maison sur une colline oubliée...
Lexique
Rappel, une fois de plus, qu'en kabyle il est difficile de distinguer les sons aspirés -k- et -g- donc perso je n'ai aucune certitude quand à la transcription du lexique correspondant.
a-kniwen (a-gniwen ?) = jumeaux
a-genduz (a-kentus ?) = veau
knu (gnu?) = plier, courber, fléchir (force d'arc)...et descendre (région Kabylie Sud) sans doute au sens de "s'incliner".
i-genni = ciel, voûte céleste
tha-guni, gen/Gan = coucher, dormir
aguni = colline
(syn : tha-ourir-t = petite colline)
Il est relativement facile de conclure que les racines -kn- et -gn- sont très proches, presque identiques.
La colline kabyle
La formule du jour consiste à dire que les racines kabyles kn et gn (k et g spirants) seraient contractées et qu'il y aurait un L au milieu :
KL, GN ~ KLN, GLN
aguni (akuni ?) serait donc agulni (akulni ?) c'est à dire = Colline (collina, collis en latin) : les racines kabyles et latines ont le même sens de "inclinaison" (pour l'anecdote, "clinique" serait aussi issu de la même racine)
Cette racine KN/GN est facilement retrouvable dans les langues européennes avec le même sens, exemple : genou en français (articulation plier), gnut en russe (plier, courber). Il en est de même pour la frome "éclatée" de la racine KLN/GLN : incliner en français, koleno (genou) d'où pokolenie (génération) en russe. C'est une aubaine car des calques pourraient nous permettre de reconstituer et enrichir notre lexique inhérent aux racines GN/KN !
Clône du grec klôn "jeune pousse" se retrouverait peut-être dans a-genduz (a-glenduz ou aklentus) car en partie le sens est le même. Le mot akniwen (jumeaux) deviendrait a-kelniwen avec le sens de "génération" ou proche peut-être. Il fau pousser plus loin les comparaisons pour en tirer des dividendes pour la langue kabyle.
Nos racines GN/KN, notre aguni (akuni? akulni?) kabyle pour "colline" nous renvoient à une forme géométrique bien précise :
- Arc
L'arc en architecture, l'arc des archers ou articulation contiendraient cette racine GN/KN en kabyle. A vérifier, bien entendu.
- Courbe ou Bosse
On dit en kabyle knu pour un viellard bossu ou un Quasimodo (nekna ur nebwidh dh'imgharen comme le chantait le natif de thaourirt "la petite colline" Dda Lwennas, adh phell as y'aphu Rebbi). Autre exemple : aguni arrus ou la colline escargot (snail hill en anglais) qui a vu naître le martyr kabyle Massi Guermah, adh phell as y'aphu Rebbi, indique la fome de cette bosse du relief. A la lumière de cette explication, si aguni (colline) est une bosse, la petite colline tha-ourir-t serait en toute logique étymologiquement liée à a3rur, aarur (aourir ?) "le dos".
En gros, aguni serait une haute/imposante colline, thaourirt une basse/petite colline
A vérifier.
- Voûte
Voûte conviendrait le mieux à cette racine kabyle GN/KN, voûte en architecture tout comme voûte céleste que d'ailleurs le terme i-geni (ciel) confirme. On peut probablement élargir le sens (en architecture) de voûte à Coupole, au sens de demi-sphère ou hémisphère en géométrie pour cette racine GN/KN.
La colline kabyle est bien plus qu'un relief bossu. La colline de la mémoire des hommes kabyles n'est pas oubliée, on commence à peine à la découvrir, à l'explorer. La colline kabyle a été sortie de l'oubli par un monument de l'identité kabyle, un homme qui a honoré le peuple kabyle : Dda Lmuludh Nath Maamar, adh phell as y'aphu Rebbi. Son oeuvre "La colline oubliée" a été portée à l'écran par un autre homme de valeur qui a honoré son peuple : le regretté Bouguermouh, adh phell as y'aphu Rebbi. C'est leur mémoire que nous honorons aujourd'hui en leur dédiant ce modeste billet consacré justement à l'étymologie de "colline", leur Colline.
Tant qu'il y aura de tels hommes de valeur, des hommes des hautes collines et de haut vol, la Kabylie et la colline kabyle ne seront jamais oubliées...